24. Casse-Noisette

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Casse-Noisette et le Roi des Souris, conte écrit par E.T.A. Hoffman, publié en 1816.

Il était une fois, dans la capitale de Gladprins, un nouveau soir de Noël. Le médecin Stahlbaum donnait, comme chaque année, une belle soirée avec un grand repas afin de fêter cette nuit si particulière. Il devait y avoir toute la famille, ainsi que quelques amis proches. Parmi eux, les premiers à se présenter à la porte de la demeure furent Mr Drosselmeier, habile horloger de la ville, et Mr Wibelede, astronome de cette même ville. Les deux enfants de la maison Stahlbaum les connaissaient depuis qu'ils étaient au berceau et Mr Drosselmeier était d'ailleurs le parrain du cadet, Ernst, qui venait de fêter ses dix-sept ans.

Toutes ces années durant, chaque fois que le parrain Drosselmeier et son inséparable compagnon visitaient la maison Stahlbaum, l'horloger apportait une jolie chose dans sa poche pour les deux enfants, tantôt un pantin qui tournait les yeux et faisait des courbettes, tantôt une tabatière d'où s'envolait un petit oiseau, ou quelque chose du même genre. Et, au jour de Noël, c'était toujours un bel ouvrage très soigneusement travaillé et qui était conservé avec soin par les parents Stahlbaum tant que les garçons étaient encore trop jeunes pour y jouer avec précaution.

— Ah, qu'il me tarde de voir ce que le parrain Drosselmeier aura pour nous ! s'exclama Ernst.

— Crois-tu que cela sera une citadelle dans laquelle des soldats marchent et font l'exercice, en même temps qu'une troupe ennemie l'assiège à grand bruit de canon ? demanda Fritz, l'aîné qui avait deux ans de plus que son frère et avait l'esprit plus versé dans la guerre et les choses militaires.

— Oh, non, j'aurais songé à quelque chose de plus poétique. Parrain Drosselmeier m'a évoqué un jour un grand jardin avec un beau lac où nagent des cygnes à colliers d'or, qui chantent pour la jeune fille qui les nourrit.

L'aîné songea que son frère était un doux rêveur, et il le laissa là pour s'en aller accueillir leurs invités au salon. Ernst le rejoignit un instant plus tard et pendant un temps ce ne furent que de belles embrassades et des vœux de bonheur pour cette fête de Noël. Un domestique vint annoncer que le dîner était prêt et toute la compagnie passa dans la salle à manger pour s'installer autour de la belle table couverte de mets délicieux et fort appétissants. Durant tout le repas, chacun échangea des nouvelles et s'enquit de la santé de ses voisins, tout cela dans une bonne ambiance chaleureuse et familiale, propre à cette nuit si particulière.

Enfin, arriva l'heure de se regrouper autour du superbe arbre de Noël, décoré de clochettes argentées et de guirlandes en sucre d'orge, de pommes toutes dorées et de bonbons représentant des fleurs. Fritz et Ernst n'étaient plus des enfants mais ils se rappelaient sans peine leur émotion de petits garçons lorsqu'on les appelait pour découvrir les cadeaux laissés par les Rois Mages Et c'est avec cette même émotion qu'ils ouvrirent ce soir-là les beaux présents qui portaient leur nom. L'un comme l'autre, ils reçurent une belle tenue de soirée, avec la veste à pans et à épaulettes, le manteau à galons et à brandebourgs dorés, et le pantalon à pont qui descendait tout droit dans les bottes lustrées.

Comme Fritz allait devenir officier, il trouva aussi un beau sabre qui avait appartenu à son grand-père avant lui et qui lui fit grand plaisir. Ernst, lui, se vit offrir de la part de l'une de ses tantes qu'il aimait beaucoup un livre de poèmes tout décoré de gravures finement exécutées, qui l'enchanta tout à fait. Et puis enfin, le paravent qui dissimulait la table contre le mur se replia tout à coup, dévoilant ce qui se trouvait disposé sur la belle nappe blanche. Sur une prairie émaillée de fleurs délicates s'élevait un château magnifique et puissant, bordé d'un lac assez étendu. Un son de cloche se fit entendre et les portes du château s'ouvrirent avec un léger cliquetis, laissant apparaître les soldats à l'exercice et les dames qui dansaient avec leurs cavaliers dans la grande salle. Une toute petite jeune fille de la hauteur d'un pouce sortit du château pour aller nourrir les cygnes sur le lac et ils se mirent à chanter tous ensemble une très jolie chanson pastorale qui ravit toute l'assemblée regroupée autour de la table pour admirer la dernière merveille de Mr Drosselmeier et de son bon ami Mr Wibelede.

Contes pour attendre NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant