Le Prince de l'Hiver, conte écrit par Jacques Cassabois et illustré par Frédéric Clément, publié aux éditions Milan en 1990.
Il était une fois, une région oubliée par l'Hiver. Il y faisait toujours doux, la pluie ne restait jamais bien longtemps, et l'on ne connaissait de la neige et du froid que ce que les voyageurs et les anciens en disaient. Les gens vivaient plus souvent dehors que dedans et les maisons étaient toujours joliment fleuries.Et puis un jour, sans prévenir, l'Hiver se souvint de cet endroit et décida d'y revenir. Il arriva progressivement, précédé par un grand vol de corbeaux, puis par une bouffée d'air froid et humide. Puis sa sœur vint à son tour, le voile de sa coiffe traînant à sa suite un fin brouillard de neige que sa lourde pelisse immaculée remplaça bientôt. Peu à peu, le paysage s'effaça, gommé par la main de Sneg, la Neige au Manteau Blanc.
Au début, les rues se remplirent d'enfants ravis de découvrir leur première neige, d'adultes tout aussi émerveillés, et d'anciens hésitant entre l'inquiétude et le soulagement de voir que l'Hiver s'était souvenu d'eux. L'on fit des batailles de boule de neige et des bonshommes aux grands sourires, avec un nez en carotte et des bras en branchages. Les parents fabriquaient des traîneaux et des luges, les enfants se poursuivaient en criant et en riant pour se laisser tomber dans l'épaisse poudreuse et y agiter les bras en créant des figures.
Mais Sneg ne repartit pas et, au contraire, s'installa dans la région. À la joie des débuts succéda la fatigue, puis la crainte. Chaque matin, il fallait déblayer la porte, dégager le chemin. Il fallait lutter contre les rongeurs, chassés par le froid, qui venaient se réfugier dans les greniers et les maisons. Marcher devenait difficile, et il fallait sans cesse garder la cheminée allumée pour que l'eau ne gèle pas dans les tonneaux. La fatigue devint lassitude, puis colère.
— N'en as-tu pas assez ? criait-on à Sneg. Ton manteau nous gèle les os, va-t'en !
— Aies pitié de nous ! demandait-on à Iselin, son épouse plus chaleureuse. Protège nos enfants et nos vies jusqu'au printemps !
Alors la neige s'en alla, laissant derrière elle un paysage changé. Les cimes des sapins dépassaient à peine de son manteau, les vallées n'étaient plus aussi profondes, et les maisons ne se voyaient presque plus. Et à la place de Sneg, arriva un cousin de l'Hiver que tous avaient oubliés : Niveø, le prince Blizzard. Il abattit sa colère sur la région, escorté par les hurlements des loups et les murmures de la famine.
L'eau gelait à côté de la cheminée, la buée des souffles dessinait des fleurs de givres sur l'intérieur des murs, et les gens se replièrent sur eux-mêmes à la recherche de la plus petite once de chaleur. On tenta de s'unir, de s'organiser, mais la poigne du Blizzard était si rude qu'il ne devenait plus possible de voyager de village en village.
— Il faut faire quelque chose ! proposa un grand gaillard.
— Allons trouver ce prince, ajouta une matrone, et parlementons avec lui !
— Oui, parlementons ! Acquiescèrent tous les autres.
Mais lorsqu'il fallut former une délégation, décider lequel d'entre eux irait trouver ce prince pour implorer sa clémence, tout le monde se trouva une excuse, un empêchement majeur, et enfin une bonne raison de ne pas risquer de braver la colère de l'Hiver. Parmi tous ces gens-là, un jeune homme se leva avec détermination.
— Eh bien moi, je vais y aller ! annonça-t-il fermement.
Ce garçon s'appelait Flamdwyn, il vivait avec son père dans une petite ferme en lisière du village, et les deux étaient connus pour leur dévouement et leur optimisme chaleureux. Quelques personnes tentèrent un peu de le raisonner, persuadée que cette quête était bien trop dangereuse pour un homme aussi jeune, mais la plupart préférèrent l'encourager, bien content que quelqu'un aille affronter le Blizzard à leur place.
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