08. Vassilissa et sa poupée

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Vassilissa la Très Belle, recensé par Alexandre Afanassiev dans son recueil Contes Populaires Russes, édition de 1855.

Il était une fois, dans le royaume de Landalfur, un marchand qui vivait à l'orée de la Forêt des Loups. En douze ans de mariage avec son épouse bien-aimée, ils n'avaient eu qu'une fille, Vassilissa. La petite était belle comme le jour et faisait le bonheur de ses parents. Hélas, comme chacun le sait, le bonheur est une chose fragile qui peut parfois disparaître comme on souffle la flamme d'une bougie. Alors que Vassilissa n'avait que huit ans, sa mère attrapa un mauvais mal dans l'hiver, qui la mena trop vite au bord de la tombe. Devinant qu'elle ne s'en relèverait pas, la mère fit venir sa fille auprès d'elle et lui donna une poupée.

— Écoute bien ce que je vais te dire mon ange. Cette poupée était la mienne, et celle de ma mère avant moi, et de sa mère avant elle. Je te la donne avec tout mon amour et ma bénédiction, garde-la précieusement et ne la montre à personne. Si tu as le cœur droit, elle veillera sur toi. En cas de malheur, donne-lui à manger et demande lui conseil, elle t'aidera pour moi.

Vassilissa aurait préféré garder sa mère avec elle, mais elle se doutait bien que rien ni personne ne pourrait plus la guérir. Alors elle prit la poupée avec précaution et promit de la chérir. Sa mère lui sourit, l'embrassa sur le front, et mourut dans la nuit.

Son mari se désola de cette perte et fit tout ce qu'il put pour que sa fille n'en souffre pas trop. Hélas, il lui apparut bien vite qu'il ne pouvait à la fois veiller sur Vassilissa et continuer son commerce d'étoffes précieuses. Pour le bien de sa fille, il décida donc de se remarier avec une femme qui avait deux filles, dans l'espoir de pouvoir mieux veiller sur leurs enfants. Mais il fut vite déçu, car sa nouvelle épouse jalousait Vassilissa et ses deux filles étaient terriblement paresseuses et vaniteuses. Comme le pauvre père s'absentait parfois très longtemps, il ne pouvait vraiment protéger sa fille, et la marâtre en profitait. Avec ses filles, elles faisaient travailler Vassilissa à leur place, en espérant que le soleil, la neige et le froid gâteraient son teint, que le travail lui épaissirait la silhouette.

Mais Vassilissa supportait tout sans se plaindre et grandissait en force, en beauté et en gentillesse, tandis que la marâtre et ses deux filles jaunissaient d'envie et se rabougrissaient de dépit. Personne ne se doutait que la poupée aidait Vassilissa, divisant ses tâches par deux et la réconfortant comme le faisait autrefois sa mère. Chaque soir, lorsque la jeune fille allait se coucher, elle donnait à manger à sa poupée et lui confiait tout ce qu'elle avait sur le cœur.

— Poupée, ma poupée, voici ce que ma marâtre me donne comme corvées pour demain. Dis-moi, que dois-je faire ?

La poupée mangeait puis, d'une voix qui ressemblait à celle de sa mère, elle consolait Vassilissa, la conseillait, et faisait durant la nuit une partie de son travail pendant que la jeune fille se reposait. Ainsi, tout était toujours accompli parfaitement et dans les temps. Le potager était sarclé, l'eau puisée, les légumes arrosés, le feu allumé, le linge lavé, le sol lessivé... Vassilissa travaillait aussi dur que sa poupée et veillait toujours à la nourrir des meilleurs morceaux du repas.

Petit à petit, d'hiver en printemps, d'été en automne, le temps passa et les trois filles atteignirent l'âge où l'on commence à parler de mariage. Tous les jeunes gens des environs vinrent visiter la maison pour demander la main de Vassilissa, si courageuse et gentille, sans jeter le moindre regard aux deux sœurs acariâtres et paresseuses. La marâtre en fut encore plus jalouse et elle renvoyait les prétendants à chaque fois.

— Je ne marierai pas cette peste avant mes filles !

Tout le monde se moquait d'elle en disant que ce n'était pas près d'arriver, sans savoir que Vassilissa était battue pour chaque demande qu'on lui faisait. Ce qui, au demeurant, ne rendait pas les deux autres filles plus attrayantes ou moins désagréable.

Contes pour attendre NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant