Jugés [yoonmin]

Chapitre 30

Jimin était resté longtemps comme cela, pleurant tout son saoul dans le creux de l'épaule du nouveau brun, profitant de ces caresses qui lui avaient tant manqué et de ces mots rassurants que Yoongi lui offrait sans contrepartie, tout autant nombreux que ceux de Jimin lors de son « absence ». Les cauchemars étaient terminés, ils pouvaient respirer de nouveau. Le roux avait l'impression d'avoir passé cette semaine en apnée, et qu'enfin il arrivait à percer la surface. Yoongi était son oxygène.

Mais rien ne durent éternellement, les larmes vinrent à manquer pour exprimer son soulagement et le silence se brisa.

-Pourquoi... Pourquoi brun ?

Les mots sonnaient bizarrement, absurde réflexion dans ce contexte où il y avait tant de choses à dire et pourtant la seule que Jimin avait réussi à former convenablement. Il passa sa main aux travers des mèches charbonnées de son vis-à-vis, admirant la profondeur de cette couleur. Noir, sérieux et grave, noir corbeau, ce même noir qu'on porte en temps de deuil. Finalement, cette couleur lui allait bien mieux que sa décoloration.

-J'avais besoin de changement. Et d'un retour aux sources. J'ai fait d'une pierre deux coups.

Jimin hocha la tête. Il comprenait parfaitement pourquoi son petit ami avait opéré ce changement. Ça semblait évident. Il continua à passer frénétiquement ses doigts dans son cuir chevelu, encore sous le choc. Yoongi avait enfin tourné la page, ou du moins fait un pas en avant pour sortir des ténèbres. C'était assez ironique de se dire qu'il passait au noir pour cela, pourtant c'était logique. Ou peut-être pas. Jimin ne parvenait plus à réfléchir correctement, ses pensées trop embrouillées par la joie. Il voulait juste sentir les cheveux du plus vieux sous la pulpe de ses doigts.

Est-ce qu'un jour il se serait imaginé être aussi heureux seulement parce que Yoongi se tenait debout ? Certainement pas. Dorénavant, n'importe quelle petite chose du quotidien le rendait heureux, comme cette poignée de cheveux dans sa paume qui glissait le long de sa peau. Il s'étonna qu'après tant de colorations et décolorations ils puissent être aussi doux.

-Ça te va bien.

-Merci.

Deux mains sur ses épaules le firent s'écarter du corps qu'il peinait à retrouver, et Yoongi observa son visage comme si c'était la première fois qu'il le voyait. Un doux sourire vint étirer ses lèvres avant qu'il ne les pose délicatement contre celles de son amoureux.

Sans s'y attarder. Juste le temps d'un soupir qui eut le don de les électriser tout le deux. Si Jimin croyait encore à un rêve éveillé, il avait la preuve qu'il n'en était rien. Son cœur lui hurlait le contraire. Abasourdi, il murmura :

-Pourquoi le costume ?

-J'ai rendez-vous.

-Pourquoi ?

-Ça ne te plaira pas si je te le disais.

-Dis le quand même, osa le roux.

-Je vais voir Seokjin et monsieur Dong. Je veux bosser à plein temps et arrêter le lycée.

Jimin laissa ses bras retomber le long de son corps.

-Effectivement, ça ne me plait pas.

Les doigts du brun remontèrent se poser sur les joues rebondies du plus jeune. Du bout de son pouce, il se mit à tracer des cercles de plus en plus appuyés. Il le connaissait assez pour deviner les pensées du plus jeune : ça l'ennuyait qu'il souhaite travailler si jeune.

-Je suis désolé Jimin, je ne peux plus continuer d'aller à l'école. Ils me changent, et je ne veux plus faire demi-tour.

Ce n'était qu'une partie de la vérité, mais certainement la plus importante. Il ne voulait pas être influencé, plus redevenir cette image biaisée de lui-même. Elle lui avait bien rendu service et il peinait à s'en affranchir, c'est pourquoi il ne pouvait se permettre de côtoyer la tentation chaque jour. Autant s'en défaire immédiatement, comme un pansement que l'on arrache. Cependant il y avait autre chose. Yoongi voulait travailler. Il aimait la boutique Le comptoir des artistes et les gens qui s'en occupaient, il aimait se rendre utile, il aimait la personne qu'il devenait en ce lieu, il aimait la musique. C'était certainement la seule chose qu'il ne regretterait pas de son enfance, avoir débuté le piano. C'était devenu son échappatoire, son passe-temps, sa bouée et il avait maintenant l'occasion d'en forger sa vie.