Chapitre 39

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«And this is goodbye»

Aucun matin n'est plus douloureux que celui qui précède un départ. Aucun lever n'est plus pénible que lorsque l'on sait qu'on ne se couchera pas avec les mêmes personnes autour le soir même. Et pourtant, ainsi va la vie, on se lève parce que c'est ce que l'on nous a appris dès la naissance. Nous connaissons l'heure à laquelle nous devons nous lever, celle où il est trop tôt pour le faire et celle où nous avons que nous avons dépassé le temps imparti. Nous savons ce que l'on va retrouver, le petit déjeuner qui nous attend, les personnes que nous y croiseront et peut-être même les sujets dont nous parleront parce que c'est comme ça chaque matin. Alors quand un matin devient plus douloureux que les autres parce qu'il faut dire adieu à quelqu'un qui nous est cher, on se lève quand même et nous affrontons la vie parce qu'on a pas d'autre choix que de le faire.

Personne n'échappe au temps qui passe, à la vie. L'Homme pourrait casser toutes les horloges du monde, les rides sur son visage lui rappeleraient quand même les jours qui passent. Il pourrait tout faire pour garder ses proches près de lui qu'il ne pourrait pas empêcher leur départ. C'est ça la vie, et il n'y a rien à y faire. On accepte de souffrir un temps parce qu'on sait que nous ne pouvons pas faire autrement.

Ce matin-là, c'était ce qu'avaient fait tous les habitants du chalet. Ils s'étaient levés comme ils se seraient levés n'importe quel matin et pourtant, ils savaient que ce matin serait différent. Ils savaient que tout changerait aujourd'hui. Étaient-ils prêts pour ça ? Pas du tout. Avaient-ils le choix ? Encore moins. Alors ils descendirent en bas, aucun mot ne sortant de leur bouche, comme si briser le silence ferait accélérer le temps. Et puis elle arriva. Celle qui allait donner ce changement à leur vie. On pouvait voir la tristesse dans ses yeux quand elle descendit ses deux valises. Ils se prirent tous dans les bras, comme pour ne jamais oublier le goût de leurs étreintes et s'installèrent tous à table pour partager leur dernier repas ensemble.

Tous les efforts pourraient être faits, quand un matin est différent des autres, on ne peut jamais complètement le faire ressembler à un jour ordinaire malgré tous les efforts que l'on fait. Il y a toujours cette ambiance différente, ces habits que l'on met d'habitude pour les grands jours que l'on met cette fois, la vitesse à laquelle on engloutit son petit déjeuner, comme si si jamais on se retrouvait à être en retard après avoir ralenti encore plus la vitesse avec laquelle on soulève son mug de café, on pourrait voir ça comme un signe du destin qui nous forcerait à rester et l'on en serait totalement excusé. Comme si l'on ne l'avait pas cherché. Ici, c'était le petit déjeuner en lui même qui avait changé. Les croissants, pains au chocolat et brioches avaient remplacé les tartines de confiture des autres jours, peut-être après tout que ça montrerait à Clarke combien elle est bien ici et que ça la ferait changer d'avis. Peut-être que grâce à ça, tout redeviendrait comme avant, la vie reprendrait son cours et tout ça ne serait qu'un vieux souvenir. Si seulement quelqu'un y croyait.

L'heure passait, le trottement de l'aiguille comme un poignard qui s'acharnait sur le coeur de chacun des amis. Petit à petit, ils avaient commencé à parler, puis à rire, puis à se rappeler des souvenirs comme pour être sûr qu'en lui disant avant qu'elle parte, Clarke ne les oublierait pas. Pourtant elle ne pourrait jamais les oublier. Ni les personnes qui étaient devenues toute sa vie, ni chaque moment passé à leurs côtés. Elle garderait tout ça pour elle jusqu'à ce qu'elle soit obligée de les remplacer par d'autres souvenirs qu'elle espérait encore plus heureux. Qu'elle espérait encore avec eux.

N'était-ce pas ironique ? Une fille décide de tout quitter du jour au lendemain, de partir seule, de s'isoler pour au final être plus entourée qu'à son départ ? C'est ça aussi la vie. C'est devoir affronter des épreuves mais c'est aussi vivre des choses que l'on aurait jamais pensé vivre. Pour une fois, Clarke était heureuse de ce que la vie lui avait offert. Elle lui avait montré qu'il n'y a pas de finalité. Que chaque mauvais moment n'est qu'un moment précédent un moment de bonheur et que, rien que pour ça, elle a raison de vouloir vivre. Et même si elle n'avait plus eu personne avec qui le partager, elle venait justement de retrouver des gens qui seraient là à chaque instant de sa vie. Elle n'était pas seule. Elle n'était plus seule. Rien que cette pensée suffit à la faire sourire.

L'heure fatidique arriva. Tout doucement, on remarqua les objets disparaître de la table pour être rangés dans les placards, quelques personnes monter se préparer, d'autre avec de la tristesse dans les yeux, ne pouvait plus cacher ce qu'il se passait. Alors à son tour, Clarke monta dans sa chambre une dernière fois, pris une douche et se changea. Elle attacha ses cheveux pour être plus à l'aise pendant le voyage et, après un dernier regard sur sa chambre riant d'elle-même en pensant à tous les efforts qu'elle avait fait pour la redécorer pour au final l'abandonner le jour d'après, elle referma la porte. Cette fois, elle ne la rouvrirait pas ce soir pour aller se coucher ni même dans la journée pour aller chercher des affaires. Plus rien à elle n'y était. Ce n'était plus sa chambre.

Elle descendit beaucoup moins rapidement que d'habitude les marches de l'escalier et découvrit les personnes les plus chères à ses yeux dans l'entrée. Sans rien dire, elle se précipita dans les bras de Bellamy qui l'accueilla et la serra contre lui en la rassurant. Tout irait pour le mieux lui disait-il, et pourtant, son corps entier avait envie de lui crier de rester. Il lui embrassa les cheveux avant de la laisser partir dans les bras d'Octavia, bientôt rejointe par Raven. Elles se serraient toutes les trois les unes contre les autres jusqu'à croire qu'elles en étaient collées. Elles auraient pu y croire. Si seulement le klaxon du taxi n'avait retenti.

Alors Clarke se détacha d'elles aussi, les regarda, les yeux emplis de larmes et passa la porte. Une dernière fois. Elle se retourna vers ses amis qui se tenaient toujours devant l'entrée et après un ultime au revoir de la main, s'engouffra dans la voiture qui l'attendait.

Une nouvelle vie commençait pour elle, elle savait qu'elle avait pris la bonne décision et pourtant, elle ne pouvait empêcher ce pincement dans son coeur en voyant le paysage défiler devant ses yeux. Aucun rire ni aucun cri n'embrasait la voiture, seulement le frottement des roues sur les chemins enneigés.

Elle arriva quelques minutes après à l'aéroport. La dernière ligne droite. Elle s'avança, se mêlant à la foule de gens, se demandant où ils allaient, d'où ils venaient, s'ils étaient mariés s'ils étaient heureux ou déprimés, s'ils aimaient la musique, le sport ou l'art, ce qu'ils faisaient dans la vie. Elle avait toujours trouvé ces endroits où les gens se mélangeaient sans classe sociale ni regard sur l'autre, fascinants.

Elle marcha jusqu'au tableau annonçant le numéro de son vol et sa porte d'embarquement. Elle se rendit là-bas, fit enregistrer ses bagages et se mit à regarder tout autour d'elle. Était-ce la bonne solution ? Suivre ce qu'elle pensait être son rêve quitte à laisser ceux qu'elle aimait de côté ? Son coeur se serra.

Elle s'assit sur un banc, attendant pendant les quelques minutes qui la séparaient de son embarquement. Ses écouteurs dans les oreilles, elle retrouvait sa joie de vivre au son d'Amy Winehouse, transportée dans son monde.

...:" Les passagers du vol 462 à destination de Washington sont priés de se présenter à la porte d'embarquement."

Elle doutait que ce soit Amy qui aie chanté ces douces paroles. Elle attrapa son sac à main, se leva du banc et commença à avancer en direction des portes.

...:" Clarke !"

Cette fois ce n'était vraiment pas Amy Winehouse. Ni même la voie d'une hôtesse demandant à nouveau aux passagers d'embarquer. Cette fois elle savait qui c'était. Et c'était bien ce qui lui faisait le plus peur.

Again.◾️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant