Adouna da goudou Tank

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Chérif semblait rêver, les traits de cette jeune fille ne pouvaient le trahir;  il aurait misé toute sa fortune que c'était elle.

- Oui c'est Faty,  qui êtes vous monsieur?

    Chérif sourit,  les yeux qui brillaient  comme jamais.  Il la contempla pendant trente secondes et remua à nouveau sa tête.
  - Faty,  regarde mes yeux. Cela ne te dit rien?
     Elle s'y concentra pendant un moment et ouvrit gros les yeux. Comment n'allait-elle pas le reconnaître?  Ses yeux verts dont elle etait si fascinée à son enfance. Elle s'en souvint rapidement.

- Chérif,  c'est toi?  Demanda t-elle bouche-bée
   Chérif son premier amour,  le beau talibé qui venait chaque jour manger chez elle et discuter avec elle pendant un bon moment dans un endroit caché chez elle précisément à leur étage où ils se collaient et se souriaient dans un silence complice,  ce talibé qu'elle aimait plus que sa famille,  ce talibé qui avait disparu du jour au lendemain laissant dans son cœur de grosses séquelles.
    De brefs souvenirs vinrent circuler dans sa tête  qui l'emûrent au plus haut point.  Cherif la serra sur sa poitrine tout joyeux.

   - Quelle aubaine,  quelle Chance,  Faty de te retrouver aujourd'hui après plusieurs hivernages. Que fais-tu là? 

    Elle ne répondit et fut toujours prise de court. Il fallut que Cherif la secouât pour qu'elle daignât revenir sur terre.

  - Je suis servante dans cet hôtel,  et toi?  Es-tu venue pour la fête? 

- Il faut qu'on parle toi, allons nous asseoir sur une table.

- Dehors,  d'accord?  Si mon patron nous voit,  je pourrai perdre mon emploi.

- Non ne t'inquiètes pas,  ramasse tous ces verres cassés et après tu me rejoins dans la salle.

- Chérif,  sois pas têtu.  C'est mon premier jour au travail et je ne veux aucun souci avec mon patron.

- Ton patron,  je suis son patron.  L'hôtel  m'appartient,  vas-y je t'attends à la porte de la salle.

    Elle démarra le menage très surprise après cet aveu et partit sans savoir quoi répondre. 
    Chérif se torcha les yeux pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Il partit vite se mettre à la porte et Amy vint se poser devant lui l'air renfrogné.

- T'en as mis du temps pour t'habiller,  dis-donc! 

- Tu sais que tu es un imbécile,  Chérif?  S'indigna t-elle

-  Qu'est ce que j'ai fait?

- En plus tu as le cran de me le demander?  Pour me faire l'amour tu m'obliges à te battre et à te faire certaines bizarreries!  Ensuite à peine tu as joui,  tu me planques au lit comme si j'étais une prostituée.

       Cherif savait dorénavant qu'il était un SM ( sadomachiste ) ... Son plaisir se trouvait dans la violence,  ses derniers rapports sexuels lui avaient fait tableau clair de sa situation.  Ça lui faisait mal et après il avait honte de lui même pour se permettre de regarder à nouveau la fille au lit.  Amy avait accepté de lui faire violence après qu'il ait insisté allant même jusqu'à des acerbes insultes et des bonnes paires de giffles que Cherif réclamait de sa part au moment de jouir. Il avait honte dorénavant en se rappelant de ces moments, il ne voulait que satisfaire sa libido mais sans violence il n'y arrivait pas.  Ses premiers rapports sexuels à son enfance avaient eté faits en ces circonstances dont il s'était acoquiné

- Je suis désolé  Amy,  il m'arrive d'être bête desfois.

-  Je concède,  maintenant parlons de toi et moi,  de notre relation.

- Comment? 

- Comment ça comment?  Je croyais que je te plaisais.

- Si bien sûr,  ecoute on en parlera plutard.  J'attends quelqu'un.

- Une femme?

- Euh oui,  bredouilla t-il...  Mais n'imagine pas des choses.

   Amy l'arrêta d'un signe de main qu'elle ne voulait plus rien entendre et partit toute déçue.  Faty arriva toujours confuse,  Cherif lui sourit et l'installa sur une table suivi des regards indiscrets sur eux.

- Alors Faty,  que deviens-tu?

- Une jeune fille,  tu vois une servante!  J'ai l'impression que nos vies se sont échangées. Toi devenu très riche moi pauvre;  Chérif tu es parti sans rien me dire.

- Oh toi aussi dis pas ça. Tu sais on était pas pauvre quand j'étais un talibé,  mon papa était un homme riche,  c'est après sa mort que je fus rapatrié.  C'est plus important , dis moi puisque que tu en parles!  Comment cela se fait que tu es devenue servante?  Si je me rappele bien,  ta famille était la plus riche du village.

- Oui c'est vrai. Mais après  son accident qui lui a fait perdre l'usage de ses jambes,  d'autres pertes s'en suivirent. Et c'était ma maman qui assurait la relève jusqu'à son trépas,  nous sommes venus à Dakar terre promise...  Mon papa quémande dorénavant pour notre survie,  j'ai décidé moi aussi de retrousser les manches.

   Chérif s'attrista après cet aveu.  La vie!  Rien et acquis,  c'est un cycle,  une roue qui tourne,  tout peut s'ecrouler d'un moment à un autre,  adouna dafa goudou tank.  Cela dit que l'avenir est très imprévisible.  L'avenir peut devenir ce qu'on aurait cru ne jamais advenir.  La robe ou la tenue achetée à des millions peut remplacer un jour la serpillere de la maison,  le gamin ayant vécu dans une précarité étouffante peut un jour se pavaner dans son palais et ce patron d'entreprises peut un jour devenir un gardien d'entreprise. Cette très jolie femme  aux formes généreuses peut un jour finir coucher sur un lit d'hôpital méconnaissable,  cette fille timide et frustrée par sa tronche peut un jour devenir la miss monde. Ce couple heureux qui faisait des jaloux peut un jour connaître rupture et se font ennemis...  Tout comme deux personnes qui se détestaient peuvent un jour se retrouver dans un lieu pour célébrer leur mariage. Cet être que tu maudis peut être un jour cette personne qui te sauvera d'une mort imminente  , cet allié qui te collait comme un sangsu peut être un jour celui qui te fera la plus belle trahison. Cet enfant que tu nourris peut être le médecin qui te sauvera de la mort,  cette aumône donnée peut être celle qui t'ouvrira la porte de la réussite.
   Euleuk dou agn,  dou rère mais lou mata soralé leu. Le destin a cette manie de faire des miracles,  des blagues pour rappeler à la personne qu'il est un être humain et qu'il le restera.

- J'en suis navré Faty. Tu sais ta famille avait été toujours très gentille avec moi et m'accueillait comme leur propre enfant chez eux...

     Le patron du service cuisine vint couper leur discussion en s'excusant auprès de Chérif.

- Mademoiselle Sène,  que faites-vous ici ? Levez vous et allez à la cuisine.

     Faty se leva toute intimidée et allait tourner le dos à Cherif mais celui-ci la retint.

- Faty,  reviens sur ta chaise. Babacar,  vous êtes vraiment incorrect.  Comment osez-vous traiter ainsi mon invité?  Je comprends très bien que c'est votre boulot et qu'elle est à votre subordination mais vous ne croyez tout de même pas qu'elle s'est invitée toute seule sur cette table?  C'est moi votre patron qui l'a invité;  si vous m'excusez,  vous nous avez assez dérangé dans notre discussion.

     Babacar s'excusa derechef,  la sueur au front,  et se retira.

- Faty,  je voudrais te faire mon assistante...

Avant de terminer sa phrase,  leur attention fut attirée par l'animateur de la soirée et tout bruit secha. Chérif sembla tomber des nus en apercevant Daouda au milieu de la salle le micro à la main. Il invita Nafi à le rejoindre et cette dernière marcha comme une princesse, la démarche élégante,  les yeux pétillants de bonheur affublée dans sa jolie brillante robe bleu de nuit perlée.
    Daouda mit les genous à terre en se debarassant de son bonnet et sortit de sa poche une belle boîte de la même couleur que son costume vert et l'ouvrit.
    -  Mademoiselle Diagne,  voudrais-tu me faire l'honneur de devenir madame Sall?

    

Deux puces ( Tom 2 )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant