Histoire 7 : Intégration dans la famille

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Aujourd'hui est un grand jour : le jour de la présentation à ma belle-famille. Cela fait maintenant six mois que Chloé et moi sommes en couples, et elle m'a convaincue de dîner chez ses parents avec elle.

- Allez Arthur, ça fait bien trop longtemps qu'on doit le faire. Tu ne peux pas refuser.

Avec ses yeux autoritaires, je n'ai rien pu dire. Il est vrai que je repousse ce moment depuis bien trop longtemps. Le jour J, fin prêt dans ma chemise et ma veste cintré, Chloé m'embrasse tendrement en me promettant que tout ira bien. Nous sommes dans la voiture, garé devant la maison de ses parents. J'admire un moment ses boucles noires tandis qu'elle me rassure en chuchotant.

- Arrête de paniquer comme ça, tu es génial, tu va forcément leur plaire. Ils verront bien tes qualités.

- Mais j'ai peur qu'ils me rejettent. Si c'est le cas, comment ça se passera à l'avenir entre nous ?

Je lui prend les mains et plonge mes yeux verts dans les siens, bruns profond. Une ride d'inquiétude apparaît sur son front. Je vois bien qu'elle s'inquiète pour moi et qu'elle voudrait que je ne m'en fasse pas, mais je ne peux empêcher mon appréhension de monter.

- Chloé, je t'aime de tout mon cœur. Je ne sais pas si c'est le cas pour toi, mais j'aimerais qu'on aille loin ensemble, plus loin qu'une simple relation.

Ma voix est douce, mais on sent l'inquiétude y percer. La femme que je considère comme celle de ma vie me lance un regard tendre, un sourire étirant sa bouche fine. Ses yeux brillent.

- Oh Arthur... Tu es vraiment parfait. Arrête de broyer du noir.

- C'est juste que... j'aimerais bien ne pas tout gâcher, lâchais-je enfin, d'une petite voix.

C'est ce qui achève de faire fondre Chloé, qui me tombe dans les bras avec une larme au coin des yeux. Sa peau est douce, son souffle chaud quand elle rit doucement. Je lui caresse un instant les cheveux, puis nous nous séparons et sortons de la voiture.

La maison est grande, et ses parents nous accueillent dans le hall. Chloé ressemble énormément à sa mère, qui possède les mêmes boucles noirs. Je lui sourit timidement, soudain trop serré dans mon costume.

- Enchanté de faire votre connaissance, dit le père avec une grosse voix. Je m'appelle Philippe, depuis le temps que ma fille parle de vous ! Il paraît que vous avez de très bonne... qualités.

Il hésite un instant sur le mot, juste le temps qu'il faut à Chloé pour lui lancer un regard d'avertissement. Je ne sais pas pourquoi elle l'a fait, mais je l'ai vu à son insu. La mère, qui s'appelle Aurore, s'empresse de me conduire dans le salon pour m'éloigner en bavardant d'un air aimable qui ne me trompe pas.

- Alors comme ça, vous êtes médecin légiste ? demande-t-elle quand je m'assois dans le canapé.

De tous les sujets de conversations possibles, il me semble assez étrange de parler de cela mais je suppose qu'elle veut juste faire connaissance. Elle me lance un regard bleu pâle. Philippe et Chloé s'assoient à leur tour autour de la table. J'ai peur de mal répondre.

- Ça doit être spécial de voir des morts tout le temps, continue Aurore.

- Oui, mais on finit par s'y habituer. Pour tout vous dire, les cadavres ne me dérangent plus trop à présent. De toutes façon, qu'est-ce qu'ils pourraient bien me faire ?

Je hausse les épaules avec un rire nonchalant. J'air l'air détendue, mais je ne le suis pas. La conversation continue, avec la mère qui pose les questions et le père qui commente. Ils semblent particulièrement passionné par le fait que je travaille avec des morts pour seuls compagnons. Au début ça me va puisque je sais quoi dire, mais au bout d'un moment je commence à être mal à l'aise sans savoir pourquoi. Lé décoration de la maison doit y être pour quelque chose : de lourds rideaux bloquent la lumière des vitres, des LED éclairent mal la petite pièce et une atmosphère étouffante y règne. Dans le coin, un petit tableau est recouvert de brochure de journaux que je n'arrive pas à lire.

- Est-ce qu'ils ont toujours du sang, ces morts ? demande soudain Aurore.

- Euh... je bafouille. Oui, généralement.

Je ne sais pas ce qui me met le plus mal à l'aise : le sourire de Chloé qui m'évite du regard obstinément, Aurore qui me fixe intensément, ou Philippe qui remue son vin avec une fascination qui touche presque au fanatisme. Je vois même une goutte tomber de sa bouche.

- Quel est votre groupe sanguin Arthur ? dit-il.

- A+. Mais... pourquoi ?

Cela fait un moment que ce mot me brûle les lèvres sans parvenir à sortir pour autant. Philippe étire son sourire déjà trop grand, surtout pour une annonce comme celle-ci. Quelque chose cloche. Je ne sais pas quoi mais c'est sûr. J'entends Chloé étouffer un rire et se tourner vers sa mère qui à des yeux brillants. J'en étais sûr : ce repas de famille ne se passe pas comme il faut. Par contre, je ne comprend pas pourquoi Chloé me calcule à peine. A ce stade, elle devrait me soutenir au lieu de fixer son jus de raisin.

- Et si nous allions chercher l'entrée ? demande Aurore.

Je me lève pour aller l'aider, trop heureux de pouvoir bouger, mais elle me pousse dans le fauteuil avec son sourire étrange.

- Tu ne vas pas y aller voyons, tu es l'invité. Chloé, Philippe et moi allons nous en charger.

Ils se lèvent tous d'un coup et quittent la pièce. Je reste assis là, stupéfait. Pourquoi partent-ils tous ? Pour juste une entrée, ce n'était pas la peine d'être trois. Le comble est qu'ils prennent du temps. §Je les entends chuchoter, mais aucune parole ne me parvint clairement. Un chuintement de couteau retentit, et je me dis que l'entrée ne doit pas encore être prête, alors je me lève et observe la pièce. Le meuble aux coupures de journaux n'arrête pas de m'attirer. Au bout d'un moment, voyant qu'il n'y a personne qui revient, je m'y dirige et lit un extrait. Un énorme titre attire mon attention, et j'en frémis d'horreur.

Justin Kai, 26 ans, retrouvé à moitié dévoré par un mystérieux inconnue.

- Qu'est- ce que c'est que ça ?

Pourquoi gardent-il ça dans leur salon. Un long frisson me parcourt de la tête, tandis que mon cerveau réfléchit à toute allure. Aurore et Philippe... Leurs questions morbides, les rideaux qui bouchent la vue, les coupures de journaux, le chuintement de couteau... Une main se pose sur mon épaule et et je me retourne d'un bond. Mon cœur qui bat déjà à toute allure manque d'exploser en voyant Philippe, Aurore et Chloé devant moi, des couteaux à la main et des serviettes de tables autour de leur cou.

- Oui, murmura Aurore avec son sourire carnassier, Justin avait très bon goût. C'était un A+ lui aussi...

Le Recueil d'Histoire d'Horreur...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant