Le Recueil d'Histoire d'Horreur...

Histoire 17 : Promenade double

Je respire un grand coup et enfile ma veste. Aujourd'hui, je sors pour la première fois avec mon copain, Rémi. Nous sortons ensemble depuis peu mais nous n'avions jamais eu l'occasion de sortir pendant un weekend, trop accaparé par notre travail. Alors ce samedi, Rémi m'a proposé que l'on sorte se promener en forêt.

Quand j'arrive à l'orée de la forêt, ma voiture garé sur une place dans un parking délabré non loin. Ma veste me tient chaud, doublé à l'intérieur par les soins de ma mère couturière. La première chose que je vois est Rémi, adossé à un arbre au tronc noueux, les pieds croisés nonchalamment et la tête en arrière. Un grand sourire se dessine sur mon visage et je cours vers lui.

Ses yeux s'agrandissent en me voyant lui foncer dessus, puis il rigole quand je lui saute dans les bras. Mes mains s'accrochent autour de son cou.

- Prête ? demande-t-il en m'embrassant.

- Un peu,  oui !

Mon doigt caresse lentement sa nuque douce, passant sur sa cicatrice boursouflé.

- Ah ! N'y touche pas s'il te plaît. Ça me fait toujours une sensation bizarre, dit-il en reculant.

- Désolé. Je la trouve juste... belle.

Il sourit. Sa main s'enlace autour de la mienne. Il m'entraîne sur le sentier herbue de la forêt, où je peux contempler une infinité d'arbres et de champignons. Durant l'heure qui suit, nous marchons ensemble en discutant des différentes variétés de plantes. Quand j'ai rencontré Rémi, c'était à la fac. Passionnée de plantes et par la nature en générale, j'avais décidé de faire un métier dans ce domaine. C'est ainsi que j'ai finit botaniste. Depuis que je travaille dans ce domaine, je dois avouer que tout à bien changé quand je sors : je ne peux m'empêcher d'admirer les fleurs, de comparer les pétales, d'observer les fruits sur les buissons... Rémi est même pire que moi.

- Eh, tu penses à quoi ? lance soudain mon petit ami en se penchant vers moi.

Je sursaute. On a avancé d'une bonne centaine de mètres et pourtant je n'ai rien suivit de ce qu'il ma dit durant tout ce temps.

- A notre rencontre, je réponds.

Il sourit encore, puis rit.

- Tu te souviens de ce qu'on à fait à notre premier rencard ?

Si je m'en souviens ! Impossible pour moi d'oublier le moindre détail de cette journée. Elle avait été parfaite. Et ce qui m'avait le plus plut à ce moment... c'était la partie de cache-cache.

- Bien sûr que je me souviens ! On a fait un cache-cache.

- On en refait un ?

Son sourire s'étire. Quand j'accepte, sa tête ravi me fait penser à celle d'un enfant le jour de noël.

- C'est toi qui comptes ! crie-t-il en s'éloignant.

Je soupire. Apparemment, il n'a pas que la tête. Je cache mes yeux des mains et pose mon front contre un arbre pour commencer à compter. Arrivée à cent, je crie un "j'arrive" puissant et me retourne : évidemment, il n'y a personne. Je m'avance de quelques pas et commence à fouiller les buissons qui émettent des bruissements au moindre bruit. Soudain, je vois un éclair rouge passer au loin. Un sentiment de satisfaction s'empare de moi. Ça va être plus simple que prévue : la blouse de Rémi est assez voyante. Après quelques instant, je vois ses cheveux ébouriffés passer non loin. Mais alors que je m'apprête à courir vers le rouge, une main saisit brutalement mon bras.

- Qu'est-ce que...

Mon cœur rate un battement. Un cri monte de ma gorge et je me retourne avec un mouvement de panique.

- C'est moi ! Du calme !

Mon cri s'arrête net. Rémi est là, sa main sur mon avant-bras, pantelant. Il hausse les sourcil devant mon expression terrifiée.

- Eh, je t'ai fit peur à ce point ? Je voulais juste plaisanter.

Un immense soulagement m'envahit quand je vois qu'il ne s'agit que de lui. Comme je courais vers une couleur correspondant à sa veste, je pensais que la main appartiendrait à un inconnue. Rémi essaye de me prendre dans ses bras, mais la pensée qui vient de traverser mon esprit me frappe alors et je le repousse.

- Attends... Si tu es là, qui ai-je vu quelques mètres plus loin ?

- Comment ça ? répond-il en fronçant les sourcils.

Je ne peux pas avoir rêvé, j'ai vu son manteau rouge, ses cheveux châtains en vrac et même sa démarche souple et tranquille.

- Ecoute, tu as du voir quelqu'un d'autre, ne panique pas... dit-il en soupirant.

Il tire ma manche pour m'éloigner. Mais au lieu de le suivre, je me dégage et avance vers l'endroit où j'ai vu l'éclair rouge.

- Qu'est-ce que tu fais ? crie-t-il dans mon dos. Reviens ! C'est ridicule.

Je l'entends s'élancer derrière moi mais ne me retourne pas. Je dois en avoir le cœur net. En m'amenant ici, Rémi m'a dit que c'était une propriété privée appartenant à son père. Personne ne devrait être ici et encore moins lui ressembler. Soudain, je débouche sur une clairière. La veste rouge est de dos, les cheveux qui la surplombent aussi. Dans mon dos, j'entends Rémi pousser une exclamation de surprise.

- Qui es-tu ? je crie.

La personne en face de moi, celle que je cherche, se retourne brusquement, visiblement surprise. C'est Rémi.

- Ah tu m'as déjà trouv... Que... Quoi ? s'écrie-t-il.

Il tends le bras et pointe le Rémi qui se trouve à mes côtés. Pour ma part, mes yeux passent de mon voisin à l'autre en face de moi. Ils sont parfaitement pareils. J'ai deux Rémis avec moi. Mon cœur semble s'arrêter, ma respiration aussi. Je veux dire quelque chose, mais les mots me manquent. Mon esprit ne parvient pas à intégrer ce qui se passe. Les Rémis se regardent abasourdis. Je plaque ma main sur ma bouche et recule. Soudain, le Rémi à mes côtés s'élance et attaque le deuxième. Ce dernier tente d'esquiver le coup de poing, mais il se le prend en pleine mâchoire.

- Qui es-tu ? Pourquoi as-tu mon visage ?

Le second Rémi ne répond pas et tente de protester. Mon corps ne peut pas bouger, je me contente d'assister à cette confrontation sans pouvoir rien faire. Soudain, le Rémi qui était à mes côtés assomme l'autre. Je vois le corps tomber au sol.

- C'est... c'est impossible, souffle-t-il en se tournant vers moi. Un sosie...

Il tend la main vers moi. Mais je recule aussitôt. Rien ne me prouve qu'il est le vrai Rémi. avec un soupir, il ouvre son blouson et me montre son T-Shirt.

- Regarde mon T-shirt, c'est celui que tu m'as offert. Je t'avais promis de le porter non ?

Je jette un regard vers l'autre Rémi, hésitante. Je vois qu'il porte un T-Shirt blanc. Un immense soulagement m'envahit. Je me rappelle qu'en effet, il m'avais promis de porter ce T-Shirt. Sans hésiter, je me jette dans ses bras et il m'enlace, soulagé que je le crois. Ma main monte sur sa nuque familière et mon doigt caresse sa peau. Mais alors que le soulagement m'envahissait, un détail me glaça les sangs. Sous mes doigts, la cicatrice si familière n'était plus là. Le cou de Rémi était aussi lisse que du bois poli. Quand je relevai la tête, un sourire narquois se dessina sur son visage déformé.

- Oh, je vois que tu t'en es rendu compte, dit-il d'une voix grave.

Mon cœur s'arrêta de battre pour de bon. Rémi... n'était pas lui. Sa main se plongea dans sa poche et en sortit un couteau. Même en courant maintenant, j'étais foutu. Et le vrai Rémi étendu à terre ne pouvait rien pour moi. Je m'étais jetée seule dans la gueule du loup.

- Je crois que tu as tout compris jeune fille... susurra-t-il.

Dans le silence de la forêt, personne ne vit jamais le drame qui s'y déroula ce jour-là.