Histoire 18 : Le grenier de tante Léonie

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Dans le silence ambiant, seuls les battements de mon cœur résonnent. Ils sont tellement forts que j'ai l'impression qu'ils vont sortir de ma poitrine. Autour de moi, le noir. La nuit est bien trop profonde pour distinguer quoi que ce soit, si ce n'est la vague lueur du clair de lune, parfois. Mais les rideaux l'empêchent de pénétrer par la fenêtre. 

Suffoquant, ma main cherche à agripper quelque chose auquel se raccrocher, mais je ne trouve que le bras de la main calleuse qui m'étouffe. La pression des doigts sur ma gorge est forte, trop forte. Je sens mes veines saillirent, mes muscles se contracter. Si j'avais su ce qui aller m'arriver en pénétrant dans ce grenier de malheur, je ne serai pas venus. Mes yeux se mettent à papillonner. Dans un éclair, je me revoie l'heure d'avant, éclatant de fraîcheur.


Maman était assise dans la cuisine, les coudes sur la table et le menton dans ses mains. Au plis contrarié de son front, j'avais tout de suite vu que quelque chose n'allait pas.

- Qu'est-ce qu'il y a ? avais-je demandé, soucieux de la voir comme ça.

Généralement, maman était plutôt souriante.

- Je dois partir dans une heure pour le travail, mais ton père aussi. Et tante Léonie devait passer aujourd'hui, elle arrive bientôt.

Mon front s'était alors plissé lui aussi. Tante Léonie était assez... spécial.


Un son étouffé sort de ma gorge. Dans l'obscurité, mon genoux coincé parvient à se dégager et à frapper la masse au dessus de moi qui recule instinctivement. La pression sur ma gorge se relâche enfin et je peux inspirer une grande bouffée d'air. Sans réfléchir d'avantage, mon corps réagit et je fais une glissade en arrière qui me permet de me dégager complètement. Mon genoux se cale au sol, ma main aussi, et je me redresse en titubant. Devant moi, je vois mon adversaire se relever à sont tour en grognant. Il ne me reste plus beaucoup de temps. Je dois me dépêcher. 


Finalement, tante Léonie était venue. Si nous ne l'aimions pas trop dans notre famille c'était pour une raison très simple : elle avait toujours été bizarre, à moitié folle, et avait été même soupçonnée de tentative de coups sur enfants et adolescents. Moi j'avais peur d'elle tout simplement. Mais pour ne pas embêter mes parents, j'avais aussitôt acceptée de l'accueillir à la maison. Après tout, m'étais-je dis, ce n'est que pour deux heures. Ensuite mes parents devaient revenir. Tante Léonie était arrivée au bord de sa voiture à peine une demi-heure plus tard, alors que j'étais seul. En lui ouvrant la porte, j'avais immédiatement remarqué trois choses : son sourire tordu qui faisait froid dans le dos, sa boîte à la main et ses gants.

- Paul, tu es seul ? avait-elle demandée à peine la porte franchis.

- Heu... Oui. Bonjour.

J'avais hésité à mentir, peu rassuré. Mais elle s'en serait rendue compte d'elle-même alors autant éviter de devoir lui fournir des explications plus tard. Sa main était passée dans ses cheveux rêches, et son sourire s'était élargis un peu plus au point de lui déformer le visage.

- Parfait, c'est parfait. Tu vas pouvoir ouvrir le cadeau que je t'ai apporté alors.

Ses bras avaient tendus le paquet bien en face de moi. Je l'avais pris avec un froncement de sourcil et avait voulu l'ouvrir mais elle s'était presque jetée sur moi pour m'en empêcher.

 - Non ! Pas ici !

- Comment ça pas ici ?

- Ce... ce n'est pas le bon endroit.

Ses mains s'étaient enlacés l'une à l'autre, se tordant mutuellement.

- Tu dois le faire au grenier !


Je m'élance en avant, essayant d'échapper à ma poursuivante. D'un bond, j'esquive une armoire que l'autre se prend et gagne quelques secondes d'avance. Par chance, je connais assez bien mon grenier immense même si je n'y vais pour ainsi dire jamais. Soudain, alors que je glisse la main dans ma poche avec l'espoir d'y trouver de quoi me défendre, je sens le morceau de papier contre mes doigts. Maudit papier.


- Au grenier ?

- Oui, au grenier. C'est très important.

Face à son air implorant, je n'avais pu résister et je m'étais décidé à affronter ma peur du grenier. Les marches grinçantes m'y avaient menés sans faille. Une fois en haut, Léonie m'avait demandé d'aller à la fenêtre et d'ouvrir la boîte. J'avais obéis en me demandant ce qu'elle me voulait, et avait eu la surprise de constater que le fenêtre était ouverte. Comme la nuit était tombé, on voyait la lune mais des rideaux m'empêchaient de bien la distinguer. Sans m'attarder plus sur ça, j'avais donc ouvert la boîte. Quand j'avais distingué ce qui était dedans, j'avais écarquillé les yeux de surprise. C'était un morceau de papier. Un bête morceau de papier blanc avec écrit dessus... "Adieu...". Mon cœur était tombé dans ma poitrine.

- Qu'est-ce que...

Et là, à ma plus grande surprise, quelqu'un m'avait poussé dans le dos. Je m'étais rattrapé de justesse en évitant de tomber par la fenêtre, puis m'étais retourné : Tante Léonie était là, les yeux brûlants de haine. L'instant d'après, j'étais au sol, ses mains plaqués sur mon cou.



D'un geste nerveux, je sortis le papier que j'avais enfouis dans ma poche par mégarde. Le mot "Adieu..." s'inscrit dans mon esprit. Derrière moi, Tante Léonie coure. A ce rythme, elle me rattrapera bientôt.

- Reviens ici Paul, tu ne sais pas tout ! crie-t-elle soudain d'un ton désespéré qui me fait froid dans le dos.

Ma respiration encore sifflante me fait soudain défaut et je me met à courir avec un point de côté horrible. Alors que la situation est déjà assez critique, il fallait qu'il apparaisse à ce moment-là !

- Tu ne m'échapperas pas Paul !

Sa voix est devenu basse et grave, presque masculine. Au fond de moi, j'ai envie de e cacher et de pleurer un bon coup, comme un enfant. Comme situation, je n'aurais pu rêver pire. Je ne suis pas très froussard mais j'ai peur de Tante Léonie depuis mon enfance, depuis qu'elle vient me donner des cadeaux étrange. Son obsession à toujours été les jeux de pendus, pour je ne sais quelle raison. Soudain, alors que je vire vers les escalier, je vois la fenêtre où j'étais il y a quelques instant. Et près d'elle, un poteau avec une corde attaché autour. Sans comprendre, je fronce les sourcils. Ce court instant me suffit pour me déséquilibrer et je tombe tête la première sur le parquet.

- Non ! je crie quand je vois tante Léonie sauter sur moi.

Le papier glisse de mes mains, et dans l'air il se retourne. Au dos du mot "Adieu", je vois le dessin d'un bonhomme bâton au bout d'une corde avec des lettres en dessous. Un pendu. Léonie brandit une corde avec un sourire.

Je ferme les yeux tandis que le chanvre entoure ma peau à nue.

J'espère au moins que je mourrai sur le coup.

C'est ma dernière volonté.

Le Recueil d'Histoire d'Horreur...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant