Histoire 19 : Couper le bois

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Chez moi, on chauffe au bois, c'est à dire qu'on a une cheminée. Elle est grande, en pierre blanche et grise avec un âtre large. J'adore les feu de bois depuis tout petit, et chaque fois que papa en allume un je me blottis dans le fauteuil d'à côté, un livre à la main et une tasse de thé sur la table à portée de main. Pour moi, c'est la définition du bonheur.

Le seul problème que je connais aux cheminées, c'est justement le fait qu'il faut l'alimenter en bûches toute la soirée. Or, la réserve de bois est dans notre jardin, tout au fond. Je n'aime pas l'admettre mais je suis quelqu'un qui s'imagine toujours les pires scénarios en toute circonstance et sursaute au moindre bruit, ce qui me fait notamment crier devant les films d'horreurs. Alors aller chercher le bois la nuit... C'est tout simplement trop. Quand j'étais petit, c'était papa qui s'occupait d'aller chercher le bois, mais cette semaine il est parti à un séminaire et ne revient que lundi prochain.

Alors que je suis dans le canapé, affalé devant la cheminée vide, maman arrive avec un paquet d'allumettes pour faire le feu.

- Mon chéri, tu pourrais aller chercher du bois s'il te plaît ? Je n'aime pas sortir la nuit.

- D'accord maman.

Je me lève avec un soupir et pose mon livre. Tant pis, même si je déteste ça il faut bien chauffer la maison. La porte d'entrée s'ouvre dans un souffle. C'est le soir et dehors il fait nuit noir. La lune est caché par les nuages, et quand je tends ma main je sens un vent frais sur ma peau nu. Je frissonne. Pour rien au monde je ne ferais ça adulte, je préfère avoir des radiateurs. Mais comme pour l'instant je n'ai pas le choix, j'enfile rapidement ma veste et sors.

A peine ai-je posé mon pied sur le gazon que la porte se referme en claquant à cause du vent.

- Génial, je murmure.

Je commence à avancer en piétinant le gel qui m'a fait glisser ce matin et me dirige vers ce qui me semble être le tas de bois. Les ombres des arbres me donnent envie de repartir en courant mais je me retient. Maman compte sur moi.

Arrivé à mi-chemin, en plein milieu de la pelouse humide, je crois entendre un léger cliquetis venant de derrière. Paniqué, je me retourne d'un bond : il n'y a personne. Après quelques coups d'œils jetés rapidement à droite et à gauche, je me rends à l'évidence : c'est désert. Evidemment. On est en pleine nuit.

Avec un énième soupir et un frisson dans le dos malgré moi, je recommence à avancer. Maman compte sur moi.

- Allez, plus que quelques mètres, je murmure pour me motiver.

Le crissement de mes pas recommence, le frottement du tissus de mon pantalon aussi. À peine une seconde plus tard, je suis devant le tas de bois. Il est haut, si haut que je n'arrive pas à le surplomber pour voir ce qu'il y a derrière. À la pensée qu'un homme pourrait facilement se cacher derrière, je sens de nouveau le sentiment glaçant de peur se glisser en moi, mais je le chasse d'un mouvement de tête.  Pas question de me laisser embobiner par mes idées, pas ce soir. Maman compte sur moi.

Je sors mes mains de mes poches et tends les bras pour attraper la première bûche. Je pourrai probablement en prendre trois assez grandes, aussi je la cale immédiatement entre mon bras et mon torse. La deuxième a un peu plus de mal à s'extraire du tas, mais un coup sec achève de la convaincre. Puis, alors que je m'empare de la dernière avec un grognement, un cliquetis se fait de nouveau entendre. Clic clic clic.

Cette fois, je sursaute pour de bon. Encore ! Je n'ai pas pu rêver deux fois de suite, pas du même bruit ! Le cœur battant, je m'arrête et tends l'oreille sans savoir quoi faire. Un nouveau cliquetis, plus fort cette fois. Clic clic clic. Il vient de derrière le tas de bois. Mon sang se glace et je n'arrive soudainement plus à respirer.

Ce n'est pas possible. Il doit y avoir une explication. Le cliquetis grince encore, bouge, se déplace comme les ondulations d'un serpent. Et là, je réalise qu'il commence à contourner le tas. Droit dans ma direction. Avec un cri involontaire, je laisse les bûches tomber de mon bras et l'une d'elle m'atterrit sur le pied. La douleur est si forte que je ne peux m'empêcher de grogner en sautillant. Clic clic clic. Je tourne la tête mais ne voit rien. Clic clic clic. Cette fois, une ombre furtive et menue traverse le noir devant moi en trouant le rayon de lune. Je hurle à pleins poumons, désormais certain de ma vision.

Sans perdre une seconde, je m'élance avec mon pied douloureux pour aller vers la maison, mais je vois l'ombre se dresser devant moi. Ses cheveux long volent au vent. Sa silhouette menue cache à peine l'arbre derrière elle. Je vire à gauche en sentant mon cœur prêt à exploser, des larmes coulent presque de mes yeux tant ma peur est forte. Je contourne un buisson et coure droit vers la porte fermée de ma maison, brillante, chaleureuse, accueillante. Sécurisée. CLIC CLIC CLIC. Cette fois, le bruit était trop proche.

Une main de fer s'empoigne de moi et me tire en arrière. Avec un cri, je repousse la masse noir et la griffe dans un geste désespéré. Cela fait une semaine que je n'ai pas coupé mes ongles, et pour une fois je m'en réjouis : la chair du visage de mon agresseur s'arrache et il en reste sur mes doigts. Avec un cri de douleur étrangement aiguë, il me relâche et et je sens un liquide poisseux sur mes doigts. Du sang. Je viens de le griffer vraiment fort.

Sans perdre une seconde, je cours vers la porte, l'ouvre, me précipite à l'intérieur et la referme aussitôt à clé.

- MAMAN !

Pas de réponse. Je pique un sprint vers les escaliers en supposant qu'elle est à l'étage, mais il n'y a personne. Soudain, un bruit de clé dans une serrure attire mon attention : ça vient de l'entrée. L'instant suivant, j'entends les talons de ma mère claquer sur le carrelage et je me glace en songeant qu'elle est sortis dehors. Pourquoi a-t-elle fait ça ? Le psychopathe aurait pu la tuer n'importe quand !

- MAMAN !

Je descend les marches quatre par quatre, le souffle court. Je n'ai plus d'air dans mes poumons, mon pied me fait horriblement souffrir et la peur me fait trembler. Quand j'arrive dans la cuisine, je hurle aussitôt :

-  MAMAN, VIENS ET FERME LES PORTES À CLÉS ! IL Y A UN TUEUR DEHORS, IL VIENT JUSTE DE M'ATTAQUER !

Bizarrement, elle ne réagit pas. Et puis je vois les marques sur son visage : quatre grandes griffes sanglantes qui dégoulinent. Un morceau d'ongle est resté dans l'une d'elle.

- Je sais, me répond-elle avec un grand sourire.

Et elle agite le cuter dans sa main. 

Clic.

Clic.

CLIC.

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⏰ Dernière mise à jour : May 27, 2019 ⏰

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