Cela faisait un mois que Léa errait dans l'appartement comme une âme en peine. Et c'était ce qu'elle était. Elle avait l'impression d'être une plaie béante, qui ne cicatriserait jamais.
Elle passait le plus clair de son temps sur la terrasse, malgré le froid glacial de cet hiver-là, assise à contempler les toits de Paris, ou le regard perdu sur les plantes exotiques en bacs, protégées par des bâches en plastique...
Dans un peu plus d'un mois, son congé de maladie serait terminé, et elle pourrait alors, reprendre son travail. Mais plus le temps passait, et plus elle se disait qu'elle aurait préféré y retourner dès maintenant.
En fait, elle supportait de moins en moins de rester dans l'appartement. À chaque fois qu'elle passait devant la chambre de Theo, dont elle conservait la porte fermée, elle avait l'impression qu'un étau lui broyait le cœur.
Plus les jours passaient et plus elle avait envie d'aller s'enfermer dans son studio.
Les rares moments où elle sentait qu'elle pouvait laisser libre cours à sa peine, c'étaient lorsque de temps en temps, Claire, sa collègue de travail, l'appelait pour prendre de ses nouvelles. Mais c'était surtout en présence de Maria qu'elle pouvait réellement laisser parler son chagrin. Histoire de ne pas devenir complètement folle à ne rien faire de toutes ses journées, elle l'aidait. Elles faisaient le ménage ensemble, afin de discuter. Léa pouvait se confier à elle, et lui parler du vide abyssal qu'avait laissé dans son cœur son petit Theo, mais aussi du sentiment de culpabilité qu'elle ressentait.
Pourquoi n'était-elle pas restée, tout le temps allongée, comme le lui demandait Dimitri ? se reprochait-elle souvent.
Maria, toujours, la rassurait.
— Allons ! Ce n'est pas parce que vous avez fait tourner une machine ou deux, ou que vous avez rangé la vaisselle que votre bébé est mort, s'exclamait-elle. Moi non plus, je n'aurais pas pu rester dans le lit toute la journée. J'en aurais sans doute fait beaucoup plus que vous. Et, si les médecins avaient pensé que c'était nécessaire, ils vous auraient fait hospitaliser. Mais ce n'était pas prévisible. C'était ainsi. Votre bébé n'était malheureusement pas assez fort pour vivre. Il ne faut pas vous sentir coupable, cela ne sert à rien.
Puis un jour, elle avait ajouté :
— Ce que vous devriez faire Dimitri et vous, c'est de reprendre une vie normale, et de mettre le plus vite possible un autre bébé en route.
Et Léa, à ces mots, avait détourné le regard.
Normal ? Comment quoi que ce soit pourrait désormais être normal ?
Jamais auparavant, Maria n'avait fait allusion au fait que le couple faisait chambre à part depuis des mois. Peut-être au début s'était-elle dit que cette situation était liée à la grossesse de Léa ? En tout cas, elle devait sûrement se demander pourquoi Dimitri ne réintégrait pas maintenant leur chambre. Léa elle-même se posait la question.
Dimitri était reparti dormir dans la chambre d'amis, dès le jour de son retour de la maternité. Pour son confort à elle, avait-il dit. Et il affichait une certaine retenue avec elle, ne la touchant presque plus. C'en était bien fini de leur tendre et belle complicité.
Bien sûr, Dimitri était présent. Elle ne pouvait prétendre le contraire. Néanmoins, il semblait si... détaché. Oui, c'était le terme exact. Détaché, comme si cette horrible perte ne le touchait pas, ne l'atteignait pas... Car jamais plus il ne prononçait le nom de Theo, ou ne faisait allusion à lui. Léa reconnaissait là l'attitude qu'elle-même avait adoptée suite à son agression.
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Dans le regard de Léa...
Lãng mạnLéa a subi une agression qui la laisse dans un état de fragilité tel qu'elle finira par se couper du monde. Aujourd'hui, la vie de la jeune femme est organisée autour de la solitude, que désormais, elle apprécie et qu'elle recherche. ...