Quatre mois plus tôt.
Je sortais de la bouche de métro, ma capuche enfoncée sur la tête, essayant de braver le flux abondant de personne qui se bousculait autour de moi, certainement pressé de regagner leur chez-eux pour se mettre au sec. Une pluie torrentielle tombait sur Daegu, pourtant je souriais en levant le nez vers les nuages gris au-dessus de ma tête. La sensation des gouttes dévalant mes joues me fit du bien. J'aurais pu voir cela comme un mauvais présage : à peine arrivé dans cette nouvelle ville qu'un temps affreux m'accueillait. Mais j'adorais la pluie. J'adorais y rester des heures dessous, la regarder tomber de ma fenêtre ou bien même me baigner pendant que le ciel pleurait. Pour moi, la pluie ne représentait pas le mauvais temps, elle était plus comme une amie venue me saluer alors que j'entamais ma nouvelle vie.
J'avais remis en place mon gros sac sur le dos, et me décidais à reprendre la route pour longer les barres d'immeubles de Daegu. Ma jambe commençait à me faire souffrir, je n'avais pas arrêté de marcher toute la journée mais la nuit tombait et il fallait que je me trouve un endroit où dormir.
Je vaquais ainsi depuis déjà deux semaines. J'avais quitté Busan en laissant derrière moi mon père et ma père qui avaient difficile à convaincre à me laisser partir si tôt, mais j'en avais eu besoin. Un an à voir les murs blancs de l'hôpital, les machines infernales, à côtoyer la peur et les cauchemars. J'avais eu besoin de m'échapper après cet enfer. J'étais vivant. Je ne le réalisais qu'à peine, mais j'étais vivant alors je comptais bien rattraper tout ce temps perdu.
J'étais d'abord passé par la côte est, longeant la mer avant de redescendre vers le sud puis de m'enfoncer dans les terres pour me balader sans but précis. J'avais dormi dans des hôtels pourris, chez l'habitant, dans des campings miteux mais je n'avais jamais perdu mon enthousiasme et ma volonté. Deux semaines seulement que j'étais partis, et j'avais déjà l'impression de découvrir un tout nouveau monde, celui qui avait continué d'avancer sans moi durant un an.
Mes cheveux noirs tombaient devant mes yeux, lourds et collants à cause de la pluie. Je les balayai en arrière d'un coup de main et regardai autour de moi alors que je m'enfonçais dans les quartiers moins luxueux de Daegu. Les enseignes indiquaient pour la plupart des bars, boîtes ou hôtels de fortunes. C'était pourtant tout ce que je cherchais pour la nuit. Je n'avais pas une somme astronomique de côté, et un lit était déjà un bien grand luxe. En jetant un œil à ma montre, je vis qu'il n'était qu'à peine 21 heures. Même si la fatigue commençait à se faire sentir, j'avais envie de profiter de la ville avant d'aller m'enfermer dans une chambre d'hôtel. Raffermissant la prise sur le sac autour de mes épaules, je me mis alors en quête d'un endroit où boire un verre.
La rue avait pris une drôle de couleur, comme si elle était baignée d'une étrange lumière rouge et jaune lui donnant un effet presque fantasmagorique. Les bars n'étaient pas bondés, la plupart n'avaient pas de terrasse et je ne voyais que des petits groupes d'hommes âgés d'une quarantaine d'années entassés, à fumer des cigarettes. Je continuai mon chemin, peu emballé par l'ambiance et pris une rue sur ma gauche, au hasard. Mes chaussures commençaient à être légèrement imbibées d'eaux et, même si j'aimais la pluie, la sentir s'infiltrer dans mes chaussettes n'était pas vraiment agréable. Accélérant l'allure, je vis au loin une enseigne aux couleurs orangées, chatoyantes, qui me réchauffèrent instantanément le cœur. Des néons lumineux encadraient le panneau qui affichait fièrement en lettres de feu « Melancholic Paradise ».
En s'approchant de l'endroit, je pouvais entendre de la musique punk qui sortait d'entre les murs en béton noir. Le style me plût instantanément, et j'ai souri en me félicitant d'avoir trouvé mon refuge si rapidement. Je poussai la lourde porte à double battant, et fût accueilli par un vigile de l'autre côté, au regard noir et au crâne rasé. La musique était encore étouffée, et j'allais pour sortir ma carte d'identité quand le vigile, me regardant à peine, m'intima du menton que je pouvais entrer.
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» Melancholic Paradise [t.kook]
Roman d'amourIls étaient incapables de se contenter de la réalité, bien trop ennuyeuse et insipide à leurs yeux. Ils avaient sans cesse ce besoin d'extraordinaire et je crois que j'aimais ça, aussi. J'aimais imaginer que je pouvais être le héros d'une de leurs h...