chapitre 7

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Debout d'avant le miroir de sa chambre, Ari observa d'un œil critique le pantalon noir ajusté et la veste un peu trop large qu'elle venait de revêtir. Elle n'avait consenti qu'une seule concession à la féminité : un haut de soie brodé de perle, que sa veste dissimulait entièrement. Elle releva ses cheveux et les attacha au sommet de son crâne, en se demandant si les petites mèches qui frissonnaient sur sa nuque et autour de son visage lui donnaient un air décontracté ou au contraire, fâcheusement négligé. Elle préfère renoncer à tout maquillage tant que ses précédents essais s'étaient immanquablement soldés par des échecs.

-VOILÀ, murmura-t-elle, décidée à s'accepter comme elle était.

Si elle avait choisi une tenue plus sexy ou plus élégante, elle se serait sentie ridicule. Elle n'en possédait d'ailleurs pas et dans la mesure où Hank avait parlé d'une''affaire'', eût certainement été pour le moins déplacé.

Elle descendit retrouver son père dans son bureau, où il passait la plupart de ses soirées à lire ou à jouer au solitaire.

-Tu sors, ma chérie ? S'enquit-il en levant les yeux de son livre. 

Elle acquiesça avec un petit pincement de cœur : elle lui avait sciemment caché l'invitation de Hank, de peur qu'il ne se fasse pas des idées. Elle déposa un baiser sur son crâne un peu dégarni.

-Une invitation ? Demanda-t-il, plein d'espoir.

- Non répondit Ari, le regard perdu dans le parc de la Villa , que le crépuscule teintait de mauve. Un dîner d'affaires.

- Toujours les affaires...

-Ça me plaît, tu le sais.

Elle ne mentait pas. Le domaine Viale représentait sa raison de vivre. Son père adorait raconter que, quand il l'avait emmené pour la première fois dans les vignes, elle avait cueilli une petite grappe parfaitement mûre, pourpre et parfumé, et mise tout entière sans sa bouche. Et elle avait ensuite articulé ''ils sont prêts'' avec l'assurance d'une adulte.

- J'ai peur que tu ne travailles trop.

Ari ne répondit pas. Son père avait grandement raison. Mais elle n'avait rien d'autre à faire, quand il dirigea encore le domaine, il n'avait d'autres ambitions que de soigner ses vignes et de vendre le vin qu'elles produisaient. Ana avait envie de voir les vins  Viale figurer dans les caves de tous les amateurs éclairés et sur les tables des grands restaurants d'Europe, d'Amérique pourquoi pas?

Elle avait rêvé d'imiter le succès de son voisin: autre que le comte de Cazlevara...

À cet instant, des phares percèrent l'obscurité et une Porsche bleu marine apparut au bout de l'allée. Le cœur battant à la chamade, elle vit Hank descendre, et malgré la pénombre, elle lui trouva beau plus que d'habitude, plus attirant.

La sonnette retentit.

-Tu attendais quelqu'un ? Articula son père.

Ari s'était déjà rué vers la porte, les joues en feu, le souffle court. Hank se tenait sur le seuil, les mains dans les poches , dans un costume de soie bleu nuit, chemise blanche et cravate sombre. Plus beau qu'elle l'avait imaginé.

Elle avala péniblement sa salive, incapable d'articuler le moindre mot.

- Bonsoir Ari, vous êtes prête ?

Elle acquiesça, consciente qu'il ne lui faisait aucun compliment sur son apparence, et que son père attendait dans la pièce voisine qu'elle lui présente le visiteur.

- Oui, mais si vous voulez entrer, balbutia-t-elle, mon père... Mon père serait heureux de vous saluer.

Elle tourna les talons pour guider Hank vers le bureau.

- Tiens, Hank! S'étonna son père. Bonsoir,

-Bonsoir, Enrico.

-Vous sortez dîner ?

-C'est façon de parler. Je pensais que nous pouvons manger à Cazlevara.

Ari lui jeta un regard étonné. Dîner au château ? Elle s'en avait franchi le seuil qu'une seule fois, quand elle était enfant, à l'occasion d'un goûter de Noël. Elle se rappellerait parfaitement de l'énorme sapin dans le hall, et toutes les sucreries qu'elle avait mangées.

- Si nous y allons ? Proposa Hank.

-Très bien.

En sentant sa main se poser avec légèreté sur sa taille, elle tressaillit comme s'il l'avait brûlée. Il la guida vers la voiture qui les attendait dans l'ombre, il lui ouvrit la portière avant de se glisser sur le siège du conducteur.

Plein de questions partaient dans la tête d'Ariane. Maintenant, que va-t-il se passer, se dit-elle ?



Le ténébreux ItalienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant