chapitre 17

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Elle avait hérité de son père le sens de la réalité, et se targuait Lélé d'échapper à cette forme d'inconscience et de sentimentalité théâtrale que l'on prête souvent aux femmes. Mais savait elle seulement ce que le mot féminité veux dire?
Pourtant, en l'embrassant, Hank l'avait traité comme une femme. De là à l'épouser...
-Pourquoi moi insista-t-elle, le mariage ne saurait réduire à un troc.
- qui le prétend? Mais mieux vaut s'engager dans un tel projet la tête froide, sans attentes déraisonnables.
-Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il m'a choisie..
Elle s'arrête craignant de n'avoir déjà trop dit. Tout comme son père, elle détestait se sentir vulnérable, s'exposer au risque d'être rejetée.
- Il veut se marier. Tu sais à son âge un homme doit songer a l'avenir, aux enfants...
-Pourquoi moi? Il pourrait avoir toutes les femmes qu'il veut!
-Pourquoi pas dolcezzaTu es capable de rendre heureux m'importe quel homme.
Elle eu une moue dubitative. Quand son père l'appelait dolcezza il était sincère. Mais c'était son papa, elle n'était pas obligé de le croire.
-Meme dans un mariage sans amour?
-L'amour viendra avec le temps, affirma-t-il avec un petit haussement d'épaule.
Ana  se mit à déguster son pain, elle n'avait absolument plus faim.
-Avec Hank? j'en doute.

Sa gorge se serra. Elle se trouvait vraiment stupide, alors qu'elle avait réussi à se convaincre de vivre sans amour, qu'elle le voulait même, pourquoi avoir prononcé ce mot devant son père?

- L'affection, le respect voilà ce qui compte dolcezza. Plus que tu ne l'imagines.
-Pourtant toi tu aimais maman.
Son père acquiesça, mais ses traits se durcirent. Seize ans après la mort de sa femme, il vivait encore de s'en souvenir.
-C'est à ce genre d'amour que j'aspire, moi aussi.

Enrico resta un moment silencieux avant de se servir une autre tasse de café, dont il avala une gorgée.
-Ce genre d'amour n'est ni facile à vivre, ni confortable.
-Je n'ai jamais recherche du confort.
- les genres qui n'ont j'ai connu rien d'autre sous-estime toujours le confort.
- Tu veux dire que la vie dont tu as mené avec maman n'était pas confortable?

C'était une révélation. Ari avait toujours été convaincu que ses parents s'adoraient. Un compte de fées auquel elle se raccrochait dans les moments de découragement. Son père semblait pourtant sous-entendre tout autre chose.
-Je l'aimais et j'ai été heureux, mais ça n'a pas toujours été facile.Ta l'ère était une femme merveilleuse Ari, mais très émotive. Même si l'italien du couple c'était moi, remarqua-t-il avec un petit rire de tristesse. Il n'est pas toujours facile de vivre avec une personne qui prend tout à cœur.

Soudain, les souvenirs lui revint par brides: sa mère en train de pleurer dans sa chambre de malade, à l'odeur si particulière, le médecin parlant à son père qui baissait la tête; sa mère la serrant contre son coeur en lui disant des paroles apaisantes à l'oreille, si l'amour ne protégeait pas toujours la douleur, peut-être l'atténuait-il?
-Réfléchis bien à ce que tu perdra si tu refuse d'épouser Hank , murmura Enrico en reposant sa tasse.
-Que veux-tu dire? S'écria Ari piquée au vif. Qu'il faut que je saisisse cette occasion parce qu'il ne s'en présentera pas d'autres?
-Mais non! Simplement que c'est une proposition intéressante.
Elle finit son café tout en reconnaissant dans son for intérieur qu'il n'avait pas tort. Des propositions comme celle-là, elle ne risquait bien de ne jamais en recevoir d'autre. Valait-il mieux vivre seule, sans enfant, solitaire, ou accepter un mariage de ce genre? Elle ne connaissait pas la réponse.
-C'est un type bien, constata tranquillement son père.
-Qu'en sais-tu? Voilà Quinze ans qu'il vit à l'étranger.
-J'ai connu son père, qui l'adorait. Un homme bien également mais trop dur. Sans pitié.
-Et si Hank lui ressemblait sur ce point?
Elle n'avait pas oublié son regard d'acier. Et pourtant... Oui c'était un type bien, elle le pressentait.
"C'est normal d'être triste, rondinella..."
-Je crois qu'il a besoin d'une femme qui l'apaise.
-Je ne sais pas... J'ai du mal à nous imaginer un avenir commun.

Irrité, Ari repoussa brusquement sa tasse et sa soucoupe.
La proposition de Hank l'obligeait à envisager de faire le deuil des roses, des diamants et des déclarations passionnées qu'évoquait jusque-là pour elle le mot mariage.

-Tu sais dans un mariage, chacun devient l'avenir de l'autre. Meme sans chercher à le modeler, on espère toujours le transformer un peu, arrondir les angles.
-Comme deux galets entraînés par le courant?
-Exactement, deux galets que la rivière de la vie use l'un contre l'autre.
-Vraiment papa, répondit-elle dans un petit rire, je te trouves bien philosophe. Mais il faut que j'aille travailler.
Elle se leva et, après avoir déposé un baiser sur sa joue, alla enfiler ses chaussures et son manteau.

Une fois arrivée au bureau, elle se plongea dans ce qui donnait du sens à sa vie:le travail "exactement comme Hank" lui souffla une petite voix intérieure qu'elle s'empressa de faire taire. Pas question de repenser à lui ou à ce mariage avant midi!

L'après midi était déjà avancé quand Frederico frappa à la porte. Depuis son arrivée, Ari n'avait pratiquement pas lever le nez de son bureau couvert de documents.
-Un paquet, Signola Viale.
-Un paquet?
-Oui. A votre nom personnel. Le comte de Cazlevara est venu le déposer lui-même.
Le cœur d'Ari s'emballa. Ainsi, il avait fait l'effort de se déplacer? À cette idée, elle se sentit envahie par la curiosité et l'impatience.
-Très bien, déclara-t-elle en s'appliquant à paraître indifférente.
Frederico lui tendit une boîte blanche, longue et étroite, fermée par un ruban de satin lavande. Des roses, devina Ana, avec un mélange d'excitation et de déception. Un cadeau banal, attendu, sans imagination, mais cela faisait tant d'années qu'elle n'en avait pas reçu! Elle attendit pue Frederico se soit retiré et ouvrit la boîte en tremblant.

Elle ne contenait pas des roses mais du raisin. Des Rameaux de vignes chargés de grappes minuscules, aussi parfaites que des perles. En se penchant pour les humeur, elle sentit une étonnante odeur de terre lui monter aux narines. Au milieu du feuillage, on avait déposé une petite carte qu'elle lut avidement:
"Un nouvel hybride venu d'Afrique. Je pense qu'il vous intéressera. V.

Ari ne peut s'empêcher de presser la carte contre ses lèvres. Comme les raisins, elle dégageait une odeur fraîche et acidulée. Était-ce la façon personnelle de Hank de lui faire la cour? De chercher à la convaincre? En lui montrant quels bénéfice elle allait tirer de cette "affaire"?
Quelle importance?s'il avait agi ainsi, c'est qu'il comprenait ce qui comptait pour elle, elle en était ravie.
Durant tout le reste de la journée, elle se plongea dans son travail, bien déterminé à ne penser ni à Hank, ni aux grappes posées bien en vue sur son bureau. Mais elle ne pouvait empêcher certains espoirs de s'insinuer dans son esprit. " Et si nous nous marions? Si nous avions un enfant? Si nous étions vraiment heureux?...


Le ténébreux ItalienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant