Chapiteau 19

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Hank étouffa un juron. Il salua Feliciana de la main puis se hâta pour rejoindre Ari dans la rue. Il avait cru qu'elle apprécierait ces vêtements et l'occasion qu'il lui offrait d'avoir l'air d'une vraie femme. En croyant lui faire plaisir, il l'avait blessée. Réussirait-il un jour à comprendre les femmes? Normalement, il suffisait pourtant de leur offrir autant de vêtements et de bijoux qu'elles voulaient pour obtenir d'elles tout ce qu'on désirait, voire pour se faire aimer. Non qu'il eût envie d'être aimé d'Ari, mais il aurait bien voulu qu'elle se sente redevable envers lui.

Exaspéré, il observa son visage fermé et sa chevelure en bataille. Il avait cru qu'il la comprenait et que tout serait simple, facile. Il avait cru pouvoir lire en elle comme dans un livre. Mais elle était beaucoup plus complexe qu'il l'avait imaginé, et l'avait rebuté avant même de la connaître.

-Peut-être pourriez vous me ramener chez moi? Demanda-t-elle froidement.
-J'ai réserver dans un des meilleurs restaurants de la ville! C'est d'ailleurs pour cette raison que je vous ai amené dans cette boutique, pour que vous y choisissez une tenue adaptée.
-Si vous voulez m'épouser, il faut me prendre comme je suis. Je ne changerai pas pour vous faire plaisir.
-Pas même de vêtements?
Il se maudit intérieurement pour cette pique, plus sarcastique qu'il ne l'aurais désiré.
Décidément, cette femme était impossible et avait le fon de le mettre hors de lui, se dit-il. Il la vit ravaler ses larmes et pria pour qu'elle ne se mettre pas à pleurer. Mais il l'avait bel et bien blessée. À cette idée, il se sentit submergé de honte.

-Je me demande, murmura-t-elle comme si elle se parlait à elle même, comment j'ai pu croire, espérer même, que ça pourrait fonctionner entre nous. Nous sommes deux parfaits étrangers...

Hank la dévisagea de nouveau, anéanti par le sentiment de son propre échec. Comment avait-il pu perdre ainsi le contrôle de la situation? Quand elle était rentré dans le bureau d'Enrico, il l'avait regarder. Ses yeux lui avaient avoué que sa décision était prise, qu'elle avait déjà dit oui dans sa tête. Cette intuition l'avait rendu trop confiant.
-Je pense que cet incident pourrait nous fournir l'occasion de mieux nous connaître.
-A conditions que j'accepte de changer?
-J'ai simplement proposé de vous offrir une robe. La plupart des femmes...
-Je ne suis pas la plupart des femmes! L'interrompit-elle, furieuse.

Avec ses joues en feu et ses yeux gris lançaient des éclairs, elle était superbe. Une vraie guerrière, dirigeant contre lui les feux de sa colère.
-La plupart des femmes ne se seraient pas intéressées une minute à votre affaire, conclut-elle en tournant les talons.
Hank la vit s'éloigner d'un pas décidé en direction de la place Saint Marc.
Cette fois-ci, Hank ne ravala pas le juron qui lui montait aux lèvres.

En traçant son chemin au milieu de la foule des touristes, Ari se demandait si elle ne faisait pas mieux de revenir dans la boutique et de passer la robe que lui avait proposé la brindille qui y faisait office de vendeuse. Au fond, elle savait parfaitement que Hank n'avait cherché qu'à lui faire plaisir.
D'ailleurs, cette robe l'avait attirée mais dans le même temps, elle avait eu peur. Il n'aurait pas dû la contraindre ainsi, par surprise, à changer brusquement, à devenir quelqu'un d'autre. Peu importaient les deux galets emportés par le courant: elle refusait que Hank fasse d'elle son  projet d'avenir.
S'il tenait tant à l'épouser l'épouser et si elle-même envisageait encore ce mariage, fallait qu'il l'accepte telle qu'elle était. Soudain, elle fut tirée par le bras, assez sèchement.
-Comment avez-vous l'intention de rentrer chez vous? Demanda Hank, le regard noir.
-En bateau-taxi, répondit-elle en se dégageant.
-Ari...
Il s'arrête net et elle comprit qu'il était totalement déstabilisé par son comportement.
-Je sais que vous êtes convaincu d'avoir bien fait, commença-t-elle, avant de s'interrompre en entendant son rire désabusé.
-J'ai l'impression d'être vraiment passé à côté!
-C'est seulement...je vais vous expliquer pourquoi je ne porte pas des robe, Hank. Ce n'est pas uniquement parce que je n'ai aucun goût.
-Je n'ai jamais dit...

Elle éclata de rire, le coupant dans sa piteuse dénégation. Il avait l'air si déconfit, tout comte de Cazlevara qu'il était.
- Je mesure un mètre soixante-cinq, reprit-elle, et je suis plutôt charpentée. Les couturiers ne travaillent pas pour des femmes dans mon genre.
-Vous vous sous-estimez.
-Je préfères ne pas courir le risque.
Soudain, quelqu'un lui tapa sur l'épaule. Ari se retourna vivement.
-Ça ne vous ennuierait pas de vous écarter un peu? Expliqua un touriste armé d'un énorme appareil photo. je voudrais prendre la basilique Saint-Marc.
En maugréant, Hank la prit par le bras pour l'entraîner à l'écart.
-Nous ne pouvons pas discuter ici. Pourquoi n'irons nous pas dîner, comme prévu?
-Je ne porte pas la tenue appropriée.
-A qui la faute?
-A vous, répondit-elle sur un ton plus badin. Si vous m'aviez laissée me changer au lieu d'essayer de transmettre un vilain canard en ...
-Arrêtez! Ordonna-t-il en posant un doigt sur sa bouche. Cessez de vous dénigrer.
Son expression s'était radoucie, même s'il avait l'air très sérieux et un peu triste. Elle essaya de parler, mais il l'en empêcha en posant de nouveau un doigt sur ses lèvres.
-Je vais vous enmener dîner, peu importe votre tenue. Vous pourrez ainsi vérifier que la titre de comtesse comporte quelques avantages.
Puis il effleura du pouce la courbe de ses lèvres, d'un geste qui la fit frissonner des pieds à la tête. 

Le ténébreux ItalienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant