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La sonnerie annonce la fin des cours. Je me relève doucement, fatiguée. Je tire nerveusement sur mes cheveux et vérifie leur couleur. Toujours blonde. Pareil pour mes mains, pas de froideur imprévue. Je sors de la salle et retins un soupir. Comme le bac approche, ces derniers temps, mon « autre côté » prend souvent le dessus. J'entends un peu plus loin des lycéens discuter des derniers exploits de Fireman, le super héros en vogue du moment.

Je fais quelques pas puis des bras musclés m'enserrent, me bloquant le passage.

— Kristoff ! Lâche-moi !

Ce dernier frotte son poing sur ma tête avant de consentir à me laisser. Je soupire. Décidément, mon meilleur ami est fatiguant, à déborder de vitalité que ce soit tôt le matin ou le soir après une horrible journée de cours. Mais c'est aussi pour ça que je l'aime. Au fond, je ne supporte le contact tactile que de deux personnes : le sien et celui de ma sœur Anna.

— Arrête de bouder Elsa, tu vas finir par avoir des rides !

Je réagis comme une personne totalement mature en lui tirant la langue. Il réajuste mes lunettes de vue tel une maman poule et commence l'un de ses interminables discours.

— Tu sais, c'est pas en régissant comme une sauvageonne que tu vas finir par te trouver quelqu'un. Je veux bien comprendre que la sociabilité c'est pas ton truc, mais quand même !

Je le laisse continuer quelques instants, distraite par la froideur de mes mains. Le sujet « petit copain » est toujours épineux pour moi et provoque des sautes d'humeurs que je suis obligée de cacher à Kristoff.

— ... faudrait que je vous présente, vous êtes vraiment pareils !

— Mmmh. En parlant de ça, t'as toujours pas invité ma sœur à sortir un soir ?

Il se bloque au milieu du couloir, tout rouge. Je souris machiavéliquement. Depuis que l'on est tout petits, il l'a toujours aimée plus qu'une amie. Mais, ma petite sœur, de deux ans ma cadette, enchaine les conquêtes, tandis que lui est toujours un gros lourdaud incapable d'aligner deux mots en sa présence. Malgré mes précieux conseils de drague, ce qui est presque vexant.

— Ca suffit de remettre ça sur le tapis ! s'exclame-t-il. Tu devrais arrêter de changer tout le temps de sujet !

— Cause toujours ! Tu sais que je t'aime, mais j'ai un devoir de français à rendre pour demain, et je suis déjà bien à la bourre.

Je lui pince la joue et il grimace.

— Tu vas me le payer, petite effrontée !

Je ris et pars en courant tandis que Kristoff fait semblant de me courser. Evidement, ma maladresse légendaire me fait rentrer dans un lycéen aux cheveux plus pâles que les miens. Je m'excuse rapidement sans m'attarder, ne voulant pas me faire rattraper par mon ami adoré.

*

Il fait nuit. Tout est calme chez moi. Ma mère, infirmière, travaille, comme chaque soir. Mon père, lui, est parti à l'autre bout du pays depuis leur divorce. Et ma sœur doit dormir à poings fermés. J'entends sa respiration calme à travers le mur. Notre maison est bien isolée, mais j'ai l'ouïe fine.

J'ouvre la fenêtre et saute sans bruit dans le jardin. A l'abri des regards, je laisse le froid contenu toute la journée m'envahir et me transforme.

Mes cheveux blonds deviennent presque blancs, se nattant automatiquement. Ma peau, plutôt bronzée, blanchit également, parcourue d'éclats de glace. Mes lèvres deviennent bleutées, mes paupières se parent de violet. J'ai posé mes lunettes sur ma table de chevet, n'en ayant plus besoin, le changement affectant aussi ma vision.

Puis, la touche finale. Une longue robe moulante et fluide d'un bleu glace, aux épaules dénudées, manches remontant jusqu'aux poignets. A mes pieds, des bottes arrivant aux genoux, souples et confortables.

Elsa la lycéenne disparait, place à Chioné, la princesse des glaces, comme les journalistes m'on surnommée.

Ma seconde identité est célèbre dans toute la ville car je suis l'une des rares à ne pas avoir prit position dans le fameux combat du bien contre le mal. Je me contente de jouer des tours à ceux qui m'agacent, aider ceux qui me plaisent. Mais j'aime surtout faire des petites farces sans gravité, pour me distraire des problèmes du lycée.

Mes mains s'illuminent et je transforme les molécules d'air en glace autour de moi, puis m'envole dans le ciel. Mes pouvoirs sont étranges, mais bien pratiques.

Je me pose sur l'immeuble le plus haut de la ville et embrase cette dernière du regard. Qui vais-je embêter cette nuit ? 

Titanium -  JelsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant