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La fin de la journée est arrivée bien plus vite que prévue. Étrangement, impossible de voir Jack de nouveau, comme s'il avait disparu.

Une fois rentrée à la maison, je mange tranquillement avec ma mère et ma sœur, puis nous nous isolons dans ma chambre avec cette dernière.

Je constate que la pièce commence à geler.

—Pourquoi il faut aussi froid ? dit Anna en grelotant.

Je soupire.

—Parce que j'ai la trouille.

Elle hausse un sourcil.

—Je suis pas télépathe, il va falloir que tu développes.

—Hum, je retrouve Ice ce soir. Je vais lui dire qui est Elsa. Enfin, qui je suis de l'autre côté quoi.

—Et de quoi tu as peur ? Il m'a l'air visiblement très attaché à toi, vu la manière dont il s'est précipité pour te récupérer tel une princesse en détresse à la fin de ton combat.

Mes mains givrent.

—Justement, je crois que c'est ça qui me fait peur.

Anna s'enroule dans ma couette et se redresse.

—Bon, ça suffit Elsa. Les émotions humaines, c'est quelque chose de normal. Tu as le droit d'en ressentir. Je n'ai rien dit jusqu'à maintenant car je sais que tu as toujours eu du mal, et a présent je comprends pourquoi : tu n'as jamais vraiment pu être complètement toi-même avec les autres. Mais là, tu as la chance d'avoir rencontré quelqu'un qui peut te comprendre à ce niveau, et peut être t'accepter de tes deux « côtés », comme tu dis. Alors, fais-moi plaisir, arrête d'avoir la trouille et vas-y. Qu'est-ce que tu risques au pire, qu'il se moque de tes lunettes ?

Je grimace.

—J'ai plus besoin de mes lunettes, je grommelle.

—Qu'est-ce que tu as dit ?

—J'ai plus besoin de mes lunettes ! Au fil des ans, j'ai fini par plus être myope, du coup j'ai changé les verres et je les mets surtout par habitude. Puis aussi pour pas qu'on me pose de questions...

—Bon. Maintenant, tu dégivre cette chambre et tu t'en vas.

—Oui, chef, dis-je en m'exécutant.

Chioné prend le dessus, puis je rends à la pièce sa température normale. Je sors discrètement par la fenêtre, me fond dans la nuit, bondissant jusqu'à notre toit habituel. Je m'imprègne des lumières de la ville, puis constate que mon camarade vient d'arriver. Il s'approche de mon, bouche découverte. Je tente d'arrêter de trembler.

—Essayons nous, commencé-je d'une voix chevrotante.

Bon, pour l'assurance, c'est raté. D'un coup de poignet je crée un banc de glace, qu'Ice agrémente de coussins de neige. Nous nous installons et il me sourit.

—Alors Elsa, tu voulais me dire quoi ?

—Bon, j'ai beaucoup réfléchi, et c'est un peu compliqué pour moi, donc je risque de m'embrouiller un peu dans mes phrases, et... attends, tu m'as appelée comment là ?

La surprise est tellement forte que je me détransforme partiellement, ce qui n'est jamais arrivé jusque-là. Je crois que mes deux yeux n'ont plus la même couleur, et le bout de mes cheveux a viré au platine. Il rit.

—Tu sais, tu es vraiment mauvaise en devinettes. Et surtout pas très attentive.

Il me tend une lys glacée que je saisi par automatisme, puis enlève sa capuche. Et, face à moi, je vois une tête que je connais bien. Celle de Jack. Le banc se fissure sous nos fesses et, fort heureusement, Jack le transforme instantanément en tissus de neige. Je regarde dans le vide, le cerveau carburant à toute vitesse. Effectivement, c'était juste sous mon nez... Les fleurs de lys, les phrases à double sens... et même cette histoire de grippe !

—Elsa ?

—Je me sens tellement stupide, je marmonne.

Il me prend la main.

—Tu es juste distraite, c'est tout. Alors, pas trop déçue de ta découverte ?

—Absolument pas.

Je lui souris franchement et sens mon cœur se réchauffer. Au fond, je suis bien contente qu'Ice et lui ne soient qu'une seule et même personne.

—Mais j'ai juste une question. Comment tu as deviné ?

—Ha, ça facile ! Tu me disais souvent « fais pas ton enquiquineur » en tant que Chioné. Puis, le jour où je t'ai rencontrée en tant qu'Elsa, tu as dit exactement la même chose à Kristoff, avec un ton identique. J'ai reconnu ta voix et j'ai su que c'était toi.

Je rougis. Effectivement, il a l'oreille. Et lui aussi sa voix et plutôt similaire. Il regarde le ciel, tourmenté.

—Moi aussi j'ai quelque chose à te dire. Et ça risque de ne pas te plaire.

—Tu ne m'aimes pas ?

La question est sortie toute seule. J'ai envie de me frapper la tête contre le sol. Il réagit à peine.

—Hein ? Non, bien sûr que je t'aime, là n'est pas le problème.

D'un coup, j'ai très très chaud. Il continue sur sa lancée, imperturbable.

—Tu te souviens, quand tu me disais que tu pensais avoir blessé quelqu'un lors d'une de tes premières crises, et que mamie Veggie avait refusé de te dire quoi que ce soit ?

—Oui, dis-je en redoutant la suite.

—Ben, ce quelqu'un, c'était moi.

Il guette ma réaction, inquiet. Et, évidemment, la culpabilité monte.

—Je ne t'en veux pas et je ne pouvais pas t'en vouloir. J'étais parti faire du patin en forêt quand un de tes tirs m'a touché au cœur. Tu t'es effondrée, moi aussi, et mamie m'a soigné puis m'a expliqué de quoi il retournait. Ce jour-là, j'ai changé car tu m'as transmis une partie dérivée de tes pouvoirs. C'est pour cela que nos magies sont aussi similaires. J'ai fait promettre à mamie de ne rien te dire car je ne voulais pas t'imposer ça. Je t'ai toujours épiée de loin, puis j'ai fini par t'approcher, parce que, euh... je suis tombé amoureux.

Il me regarde avec des yeux de chien battu. Tout fait sens maintenant. Je soupire. Sacrée mamie.

—Elsa. Dis quelque chose.

—Pardon, j'étais plus là.

Je trace des cercles sur sa main, le faisant frissonner. Il est temps d'admettre mes émotions, comme dit Anna.

—Tu sais, je ne suis pas douée pour les grandes déclarations.

—Ca, j'ai cru comprendre, me raille-t-il.

Ses yeux pétillent de malice.

—Me regarde pas comme ça ! je m'agace.

—Je te regarde comme je veux !

Nous nous lançons dans une bataille où il premier qui cille a perdu. Puis, je décide de tricher et l'embrasse. J'ai du mal à comprendre tous les sentiments qui m'envahissent, mais une chose est sure : c'est très fort. Il me sourit lumineusement.

—Que ce soit Ice ou Jack, je t'aime.

Il me serre un peu plus fort la main et la neige commence à tomber.

—Tu le sais déjà, mais Elsa ou Chioné, moi aussi je t'aime.

Titanium -  JelsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant