Chapitre 3

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Le trois septembre à treize heures trente tapantes, Nathanaël quitta son manoir à bord de sa flambante voiture neuve : une Tesla couleur noire qu'il venait de s'offrir. Pour se rendre à Salon-de-Provence, il avait mis un de ses costumes sombres qu'il détestait tant et dans lequel il avait toujours trop chaud, été comme hiver. En chemin, il s'arrêta chez le fleuriste auprès duquel il avait déjà commandé et fait envoyer des chrysanthèmes à la famille de Margarette. Il régla la note, laissa un généreux pourboire et repartit.

Nathanaël était d'une humeur massacrante, mais comme à son habitude, il se forçait à faire bonne figure. Arrivé au cimetière, il dut encore déserter la fraîcheur agréable de l'auto pour faire face à la chaleur étouffante de cet après-midi d'été indien. L'air était irrespirable. De loin, il aperçut les proches de Margarette Foucault se diriger vers ce qui semblait être un caveau familial. Des chaises avaient été installées en plein cagnard. Le point positif, pensa Nathanaël, était que les obsèques n'auraient pas lieu devant une fosse. La descente des cercueils l'avait toujours mis extrêmement mal à l'aise.

Il alla à son tour vers la cérémonie mortuaire lorsque tout à coup, il fut surpris par une jeune femme qui passa à pas pressés, manquant de peu de le bousculer. Il la regarda s'avancer vers le caveau d'un pas sûr et décidé. Sans aucun doute, d'après la description que lui en avait faite Margarette, il devait s'agir de la fameuse Mademoiselle Leroux.

Elle avait une allure plutôt élancée vêtue d'un jean clair, de sandales et d'un T-shirt gris foncé près du corps. Sa longue chevelure rousse et ondulée était coiffée en queue de cheval. Son visage semblait assez pâle avec des taches de rousseur. Il n'en voyait pas plus, car elle portait sur le nez une grosse paire de Ray-ban noire à monture carrée. Son sac en toile rouge avait l'air de lui peser lourd sur l'épaule.

Quelques pas avant d'arriver devant le lieu où allait prendre place l'éloge funèbre, elle s'arrêta et regarda alentour. Finalement, elle ne rejoignit pas l'assemblée, mais alla s'installer plus loin, près d'un vieux platane, sous la seule parcelle d'ombre à des mètres à la ronde. De là où elle était, elle observerait la cérémonie, mais ne serait pas forcément vue des personnes présentes.

Nathanaël reprit sa route vers le caveau, une pointe de jalousie dans le cœur. Il avait lui-même déjà repéré cet arbre à son arrivée et sa planque lui avait été piquée par cette effrontée. Tant pis pour lui, il devrait alors affronter la chaleur, le soleil et les gens.

Il présenta rapidement ses condoléances à la famille de la défunte puis s'assit sur une des chaises vides. Comme pour s'assurer qu'il ne pouvait plus s'esquiver, il regarda autour de lui, se retourna et vit au loin la jeune Emma adossée contre le platane, son sac rouge à ses pieds.

La cérémonie ne dura pas plus de vingt minutes, mais Nathanaël eut l'impression qu'il avait passé plus de deux heures assis sur cette chaise inconfortable. L'officier avait lu des extraits ennuyeux d'un livre de prières alors que l'assistance transpirait à grosses gouttes. Quand tout fut fini, seulement quatre ou cinq personnes entrèrent dans le caveau. Nathanaël quitta son siège et se dirigea vers la jeune femme qui ramassait déjà son sac, prête à partir. Il l'interpella alors.

— Mademoiselle Leroux ? demanda-t-il.

— Oui, répondit-elle en se retournant, bonjour, excusez-moi, vous devez être de la famille de Margarette. Je ne suis pas à l'aise dans la foule, je ne vous ai pas saluée, mais je vous présente mes condoléances.

Elle ôta ses lunettes de soleil et Nathanaël put admirer ses beaux yeux en amande vert foncé. Il fut troublé une seconde par le charme et la fraîcheur de cette jeune femme puis il se reprit lorsqu'elle lui tendit chaleureusement sa main droite. Il la serra fermement, comme à son habitude.

ZéladoniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant