Chapitre 14

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C'est ainsi que s'écoulèrent les jours qui suivirent. Emma et Luen bâtissaient des liens solides d'amitié au fur et à mesure que le temps passait et ils apprirent à se faire confiance mutuellement. Elle ne parla plus de son enfance et de son passé, car lui non plus n'abordait jamais le sujet le concernant. Il lui enseigna, avec patience et dévouement, des techniques de combat rapproché. Ils pouvaient aussi s'entraîner pendant des heures au lancer de poignard pour atteindre une cible fixe ou en mouvement et même à tirer à l'arc. C'est en combat avec deux armes en main qu'Emma se révéla être la meilleure. Elle parait les coups de Luen d'un bras et avec agilité, parvenait à le toucher de l'autre. Après quelques jours de formation avec des bâtons de bois, Luen offrit à Emma un second poignard constitué d'une lame ondulée et tranchante avec un manche en cuir noir. Aucune gravure n'entachait l'objet ; Emma décida de nommer cette nouvelle arme Angelus.

Luen lui apprit également les bases en matière d'herboristerie et de cueillette. Il lui fournit une besace qu'il avait lui-même cousue et qui contenait à l'intérieur plusieurs petites poches de quelques centimètres qui renfermaient les racines et les sommités fleuries des plantes dont il lui avait montré les propriétés de guérisons.

La caverne était de mieux en mieux aménagée ; Luen avait installé un coin cuisine et avait construit avec quelques pierres plates une sorte de four de fortune qui leur permettait de faire cuire des ragoûts de légumes à feu doux pendant leurs excursions diurnes. La nuit, ils s'étendaient côte à côte sur un matelas de mousse séchée et de feuilles. Il pouvait arriver, lorsqu'il faisait froid et que le feu était presque éteint dans le foyer, que les nouveaux amis se frôlent pour capter un peu de chaleur. Un matin, Emma se réveilla avec le grand bras de Luen autour de sa taille, mais ce dernier dormait encore à poings fermés. Avec moult précautions, elle avait réussi à se dégager de son étreinte sans le réveiller. Elle préférait qu'il ne sache pas l'attirance qu'elle ressentait pour lui, car sa quête s'annonçait déjà assez compliquée et elle ne souhaitait pas se rajouter des sources d'inquiétude inutiles.

Tous les deux jours, ils avaient pris l'habitude de chercher des points d'eau différents pour leur toilette, mais aussi pour découvrir des coins cachés de la forêt. Luen profitait de chaque promenade et de chaque occasion pour parler de politique. Il décrivait les caractères des peuples des royaumes et il s'exprimait comme s'il avait connu véritablement ces gens. Emma en avait conclu qu'il avait déjà voyagé dans les terres et avait pu revenir sans passer de l'Autre Côté. Une théorie germait dans son esprit ; elle pensait que Luen était peut-être à moitié Béni, d'où sa capacité à rejoindre la forêt. Mais il éludait chaque question trop intime et détournait la conversation sur des plaisanteries parfois de mauvais goût qui ne la faisait pas toujours rire.

Emma se vexait, il la taquinait encore plus, et ils finissaient par éclater de rire tous les deux. Il était irrésistible et elle ne parvenait jamais à lui en vouloir longtemps.

Un jour, alors que Luen et Emma revenaient d'une de leur baignade dans de l'eau chaude naturelle qui glissait entre des roches noires au sud de la forêt, ils furent surpris de trouver leur campement désordonné.

La mousse avait été retirée et le four démonté. Alors qu'ils posaient leurs sacs pour essayer de comprendre en regardant de plus près ce qui avait bien pu se passer, une voix grave derrière eux dit :

— Donnez à un humain une pierre, il parviendra à en faire un outil pour posséder deux autres pierres.

Emma sursauta. Luen se retourna poignard en main et se plaça instinctivement entre la jeune femme et l'étranger. Quelques secondes passèrent, et Luen se relaxa lorsque l'individu – ou plutôt le Béni – s'avança.

ZéladoniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant