Chapitre 11

16 8 1
                                        


Emma resta presque toute la matinée assise sur un rocher près du lac, à regarder les mouvements de la surface de l'eau à chaque coup de vent. Elle réfléchissait et essayait d'encaisser les révélations de Luen. Elle cherchait à comprendre ces paroles. Vers midi, elle prit le chemin de retour en direction de la caverne. Elle ne fut pas mécontente de retrouver sa route sans se perdre, mais l'odeur d'un déjeuner qui mijotait sur le feu n'était pas sans la guider sur les derniers mètres. Luen avait installé une sorte de marmite remplie d'un bouillon de légumes au-dessus du foyer improvisé. Sans mot dire, elle s'assit auprès de lui et se fit servir une assiette.

— J'ai vu Nathanaël, Emma.

— Alors, comment va-t-il ?

— Il va bien. Il m'a transmis un message pour vous.

Luen sortit un parchemin de sa besace et le tendit à Emma. Elle posa sa gamelle pour lire et reconnut tout de suite l'écriture en patte de mouche de son employeur.

« Emma, je vais être bref. Je suis en sécurité, mais j'ai besoin de temps. Je n'étais pas l'élu, mais il semblerait que j'ai guidé la bonne personne vers Zéladonia. Je suis fier que vous ayez trouvé le joyau et que vous ayez fait ce que vous pouviez pour me retrouver. Vous êtes quelqu'un de bien et vous ferez le juste choix. Je viendrais à vous lorsque je serai prêt à affronter mes erreurs du passé. Prenez soin de vous. À bientôt. Nathanaël. »

— C'est tout ? demanda-t-elle.

— On dirait que oui. Il m'a dit de te dire qu'il était fier de toi, mais qu'il avait honte, et te voir raviverait sa blessure. C'est une question d'amour-propre. Il a du mal à digérer que tu vas réussir là où il a lamentablement échoué.

— Tu es dur avec lui, dit Emma. Nathanaël n'a rien demandé à personne quand il est arrivé. Vous l'avez catapulté élu et ensuite à la moindre erreur, il est banni de Zéladonia et doit endosser la responsabilité d'une guerre.

— Tu dis ça, car tu n'as pas encore vu les dégâts qu'il a causés.

— Je ne sais pas. D'après ce que tu as raconté, ce n'était pas de sa faute. Il est tombé amoureux de la princesse Terramonter, ça arrive à tout le monde. Ce qui me fait tiquer c'est qu'il se permet de dire que je suis quelqu'un de bien. Tu sais, Luen, Nathanaël ne me connaît absolument pas. J'ai juste bossé pour lui pendant deux semaines. Je ne pense pas être celle que vous attendez tous. Je ne peux pas être votre élue. Je m'attire sans arrêt des ennuis et je suis hyper maladroite. Je ne suis personne d'important.

— Pourquoi dis-tu cela ?

Emma ne répondit pas. Elle se contenta de finir son assiette et de croquer dans une pomme. Elle passa le reste de la journée dans un mutisme qui inquiéta Luen. Il ne fit rien pour la brusquer et attendit. Il occupa son temps à tailler des morceaux de bois pour en faire des ustensiles de cuisine et à aménager le campement afin de le rendre le plus agréable possible pour une citadine. En fin d'après-midi, elle s'éclipsa deux heures durant. Lorsqu'elle revint à la caverne à la nuit tombée, elle était frigorifiée.

La chaleur du feu se répandit rapidement autour de la jeune femme pâle comme la lune. La lueur des flammes se projetait sur les arbres alentour et les ombres semblaient danser dangereusement sur les feuillages pour disparaître dans l'obscurité des profondeurs de la forêt. Emma approcha ses mains du brasero et perdit son regard dans les braises rougeoyantes. Luen remarqua son expression triste. Les flammes se reflétaient dans ses yeux verts de telle sorte que ses pupilles avaient l'air irréelles, comme possédées par la puissance infernale d'un dragon. Sa peau blanche de porcelaine irradiait dans cette lueur du soleil couchant. Elle était immobile, mais la danse de lumière sur son visage animait ses yeux comme un torrent de lave. Luen ne tint plus et posa la question qui lui brûlait les lèvres :

ZéladoniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant