Nathanaël n'avait jamais raconté son histoire, et encore moins dévoilé à quiconque l'avalanche de sentiments qu'il avait ressentis lors de sa découverte de Zéladonia. Parler ainsi de ce qui s'était produit des dizaines d'années plus tôt dans cet autre monde faisait remonter en lui un flot d'émotions qu'il avait du mal à contenir. Il avait enfoui ces secrets si profondément en lui pendant des décennies et ils jaillissaient à présent tel un volcan en éruption après des siècles de sommeil. Il s'éveillait : il reprenait vie...
— Mais alors, si je comprends bien, l'interrogea Emma qui commençait à croire sincèrement à son histoire, vous êtes arrivé complètement par hasard là-bas ? N'importe qui aurait pu trouver cet objet dans notre monde et devenir leur élu.
— C'est possible oui, cela je ne saurai le dire. Ce qui est sûr c'est que ce peuple, les Bénis, que j'ai rencontré en premier, en étaient convaincus. Quant à moi, vous vous imaginez que j'étais complètement effrayé, tétanisé même.
Le soleil s'était couché et la bibliothèque était maintenant plongée dans la pénombre, éclairée partiellement par les lampadaires du jardin dont la faible lueur traversait la fenêtre. Nathanaël et Emma étaient assis sur le rebord, aménagé de petits coussins. Elle avait relevé ses jambes et reposait son menton sur ses genoux alors que Nathanaël, lui, s'était adossé contre le mur et collait son front contre la vitre dans l'espoir de capter un peu de fraîcheur nocturne.
— Cette peur, je ne croyais plus la ressentir, mais cette journée m'a prouvé le contraire, ajouta Nathanaël sur le ton de la plaisanterie.
Il voyait en effet sur le visage d'Emma une inquiétude qu'aucune adolescente ne devait avoir à vivre selon lui.
— D'ailleurs, il est très tard, dit-il en se levant. Nous devrions reporter la suite à demain.
— NON ! répondit vivement Emma. Monsieur Parker-Scott, je vous en supplie, continuez, je ne peux pas rester comme ça. Dans l'ignorance...
— Bien, c'est d'accord, mais il faut bien qu'on mange et que je boive surtout. Il est neuf heures trente passés. Vous savez quoi ? Préparez-moi un thé vert, s'il vous plaît, et apportez de quoi grignoter dans mon bureau, je vous raconterai tout, preuve à l'appui. Mais souvenez-vous, vous ne devez parler à personne de Zéladonia. Si quelqu'un apprend l'existence de ce monde ou de la puissance énergétique de certains objets, les hommes seraient prêts à tout pour exploiter ces richesses, quitte à le détruire au passage. Et cela, je ne peux m'y résoudre. Vous connaissez la nature humaine, vous savez ce qu'il peut se passer s'ils parviennent à aller là-bas ; imaginez un Béni dans un laboratoire d'expériences ou la forêt déboisée et polluée est ma pire angoisse depuis de longues années. Nous devons protéger Zéladonia à tout prix Emma, vous comprenez ?
Elle hocha gravement la tête avant de sortir de la pièce.
Quelques minutes plus tard, Emma rejoignit Nathanaël dans le bureau avec un plateau, une théière, deux tasses et un paquet de biscuit au soja et à l'orange. Nathanaël s'était installé sur son fauteuil derrière le massif meuble en bois verni. Il fit un geste à Emma en lui désignant un canapé en face de lui. Elle posa le plateau, servit les deux tasses, en prit une et s'assit.
Nathanaël avait déjà avalé deux galettes quand elle se lança :
— Il y a quelque chose qui m'échappe Nathanaël, pardonnez-moi. Je ne comprends pas ce monde. Expliquez-moi, les Terramonts ? Les Aquers ? Ça veut dire quoi ?
— Bon, pour bien saisir Zéladonia, dit Nathanaël en attrapant sa tasse de thé, il faut vous imaginer une rosace à quatre branches, du genre que l'on fait à l'école avec un compas. Et entre chacune de ces branches, quatre autres rameaux plus petits. Zéladonia est donc composée de quatre royaumes, dont les frontières seraient les pétales de cette rosace. Tenez regardez cette carte.

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Zéladonia
FantasyEmma ne s'attend pas à affronter mille danger lorsqu'un millionnaire lui propose un poste de dame d'entretien dans son étrange manoir. Ce dernier, gardien d'un extraordinaire secret depuis plusieurs décennies, l'emmènera malgré elle dans un autre mo...