Chapitre 16

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C'est ainsi que commença leur voyage à travers la forêt. Bien qu'Emma eût pris l'habitude d'évoluer en terrain difficile, cette marche lui fut extrêmement pénible. Zara et Luen avançaient très vite, et Emma, essoufflée derrière eux, fit son possible pour garder le rythme. Luen ne s'éloignait jamais trop, surtout lorsqu'il y avait un obstacle compliqué à franchir.

En fin d'après-midi, elle était complètement épuisée. C'était la journée la plus éprouvante qu'elle ait jamais eu à vivre à Zéladonia. Elle était physiquement exténuée. À plusieurs reprises, Luen avait essayé de lui faire boire un tonic qu'il conservait dans sa gourde, mais le goût très acide du breuvage avait découragé la jeune femme. Ils avaient fait peu de pauses et lorsque Zara les informa qu'il fallait s'arrêter pour la nuit, Emma s'immobilisa net et s'écroula sur elle-même. Elle ne chercha même pas à aider pour le feu ou pour monter le campement. Elle ne fit pas l'effort non plus de faire semblant de s'intéresser aux tâches auxquelles ses compagnons de route s'affairaient.

Après quelques minutes, Luen s'approcha d'elle.

— Emma, le repas sera bientôt prêt. Zara prépare un bouillon de légumes qui te fera le plus grand bien. Tu as besoin d'énergie.

Elle le dévisagea longuement. Elle avait tellement envie de lui confier qu'elle ne se sentait pas à la hauteur de sa tâche. Comment espéraient-ils qu'elle réorganise les royaumes de Zéladonia si elle n'était même pas capable de survivre à une journée de marche ?

— À quoi penses-tu, Emma ? Dis-moi.

— Je rêve d'un Icetea avec des glaçons. Je rêve d'un apéro de chips, de saucisson et d'anchoïade. Je rêve d'un Mac Do bien gras et d'un milk shake à la vanille. Je rêve d'un spa, d'un massage. Je rêve de confort, d'une douche, d'un lit, de Coca-Cola. J'ai été élevée à la dure, mais ça, c'est...

Luen l'aida à se relever pour l'amener près du feu.

— Je ne peux pas t'offrir tout cela. Par contre, je peux te promettre que tu trouveras l'équivalent de tout ce dont tu rêves ici. Je vais te faire dès ce soir une infusion froide de menthe, d'écorce séchée de pêche et de cannelle, à laquelle je rajouterai du sucre. Pour l'apéritif que tu désires tant, tu goutteras à Terramont du porc fumé à tomber par terre et toutes sortes de fourrés au fromage. Et en Ignis, il y a des sources d'eau chauffée naturellement par le volcan. L'eau sort de la roche en jets peu puissants qui offrent des massages divins.

— Super, c'est juste à une semaine de marche.

— On n'a rien sans rien ma petite.

Emma lui jeta un regard noir. Posée sur la couverture, elle n'avait plus la force de bouger d'un pouce.

Les trois compagnons dînèrent dans le silence. Le repas improvisé de Zara était succulent. Emma pouvait sentir que chaque bouchée lui redonnait l'énergie dont son corps avait besoin pour continuer. Le goût était certes inhabituel, comme à peu près tout ce dont elle faisait expérience dans ce monde, mais bon en bouche.

Ragaillardie par cette nourriture, elle décida d'entamer la conversation pour cerner un peu plus le caractère de la Bénie qui les accompagnait.

— Je te remercie Zara, c'était un délice, fit-elle poliment.

— C'est bien vrai, ajouta Luen en s'étirant et en se tapotant le ventre.

— Merci, il s'agit d'une recette ancestrale, transmise de génération en génération.

— Vraiment ? Je n'imagine pas les Bénis s'échanger des livres de cuisine, plaisanta Emma.

— Non, en effet, nous ne possédons pas de livres. Non pas parce que l'idée d'abattre des arbres ou des animaux pour inculquer notre savoir nous paraît saugrenue, mais parce que nous avons une mémoire collective innée.

ZéladoniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant