Chapitre 5

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Nathanaël se précipita vers la jeune femme étendue au sol. Son crâne avait violemment cogné le parquet, mais par chance, son corps avait évité les bris de verre éparpillés près du mur. Il vérifia son pouls et sa respiration. Tout allait bien. Colonel regardait la scène tête penchée, ne montrant plus aucun affolement particulier. Nathanaël retira les morceaux de verre de la main d'Emma puis s'inclina pour la soulever. Elle n'était pas très lourde, soixante kilos tout au plus, mais pour les vieux os fatigués de Nathanaël, c'était très difficile. À bout de souffle, il la transporta dans la bibliothèque et l'allongea sur le grand canapé en velours vert, le chien toujours sur ses traces.

— Reste ici et aboie si elle se réveille, ordonna-t-il à l'animal avant de quitter la pièce.

Il descendit ensuite précipitamment dans la salle de bain des chambres d'amis pour chercher sa trousse de secours. Il vit sans voir l'éraflure du miroir et c'est lui-même qui en refermant promptement la porte du placard, brisa net la glace en plusieurs morceaux. Il contempla ses nombreux reflets quelques secondes et dévisagea ce vieux bonhomme qui le regardait de l'autre côté. Il repartit au pas de course dans la bibliothèque. Lorsqu'il s'agenouilla, il dut dégager Colonel qui s'était confortablement affalé au pied d'Emma et qui s'était endormi.

En premier lieu, il fallait s'occuper de cette coupure à la main, avant que la plaie ne s'infecte. Après un rapide coup d'œil, Nathanaël constata que l'entaille n'était pas très profonde. Il ouvrit des compresses stériles, essuya le sang coagulé et aspergea le tout d'eau oxygénée et d'antiseptique. Il lui fit un bref bandage puis regarda la tête de la malheureuse. Une énorme bosse s'était formée au sommet de son crâne. Il enduisit délicatement cette zone de crème à l'arnica puis il retomba en arrière pour reprendre son souffle. Mille pensées se bousculaient dans son esprit. Qu'allait-il lui dire ? Comment allait-elle réagir ? Fallait-il qu'il appelle les secours ? Fallait-il la laisser dormir ou la réveiller ? Lui apporter de l'eau ?

Repris de panique, Nathanaël voulut se relever et téléphoner au Samu. Tant pis pour ses secrets ! C'est alors qu'il entendît la jeune femme gémir.

Il se pencha au-dessus d'elle et lui parla :

— Mademoiselle Leroux ? Emmanuelle, euh, Emma ?

— Oh, j'ai la tête qui tourne. C'est horrible, lui répondit-elle faiblement. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Et bien, vous êtes tombée et votre crâne a cogné violemment le sol.

— Mais, j'ai mal à la main, ajouta-t-elle troublée.

— Ah oui, vous vous êtes coupée avec du verre.

— Je me souviens, dit-elle calmement.

Elle ouvrit les yeux et contempla Nathanaël. Le visage du vieil homme avait pris dix ans en dix minutes. L'inquiétude avait creusé ses rides et Emma fut frappée par l'intensité de son regard.

— C'était quoi ? demanda-t-elle simplement.

Nathanaël ne répondit pas.

— C'était quoi ? répéta-t-elle plus sévèrement.

— Écoutez, Mademoiselle...

— Emma, le coupa-t-elle exaspérée en observant sa main.

— Restez allongée quelques minutes et je vous promets que je vous expliquerai tout ce que vous voulez savoir. Juste, s'il vous plaît, jurez-moi que vous ne parlerez de ça à personne. C'est très personnel. C'est important.

Nathanaël pleurait presque.

— Expliquez-moi ce qui m'est arrivé. S'il vous plaît, ajouta-t-elle d'un ton moins autoritaire.

ZéladoniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant