À peine éveillée, Emma regarda sa montre : il était midi passé. Elle alla s'asseoir au bord du lit et s'accorda quelques secondes pour contempler la décoration de cette chambre d'ami somptueuse qu'elle avait surnommée en elle-même la « chambre rose ». En effet, cette pièce avait un papier peint rose pâle, des rideaux fuchsia plus foncé assortis à la parure des draps dont les meubles en bois blancs faisaient ressortir la couleur. Elle se prit la tête dans les mains.
Tout ce qu'Emma avait entendu ne pouvait être réel. Rien de ce que racontait Nathanaël n'avait le moindre sens. Et pourtant... Pourtant elle savait que son récit n'était que pure vérité et non des élucubrations d'un vieillard isolé et rêveur. Ce qu'elle avait ressenti en touchant cet objet, ce transporteur, était l'expérience la plus intense qu'elle ait jamais vécue. Cela ne pouvait qu'être vrai ; Emma voulait y croire.
Elle se leva, lentement, et se dirigea dans la salle de bain attenante, dont la décoration rose et parme s'alliait parfaitement avec celle de la chambre. Elle fut surprise de trouver le miroir au-dessus du lavabo brisé et fendu en plusieurs morceaux, car elle se souvenait n'avoir fait qu'érafler la glace avec le balai. Elle découvrit dans le placard sous la vasque de l'évier un nécessaire de toilette neuf et emballé avec de nombreux produits estampillés Hilton Hôtel.
Emma retira le bandage que Nathanaël lui avait fait sur la main droite. La plaie était nette et propre. Après une douche rapide, Emma décida de retrouver Nathanaël et d'exiger des réponses à toutes les questions qui lui étaient venues depuis son réveil. Maintenant que les choses semblaient plus claires dans son esprit, elle voulait formuler à haute voix ses interrogations les plus urgentes. Elle prit dans son sac un stylo et un calepin et consigna un à un les points qu'elle désirait éclaircir avec son employeur. Ensuite, elle sortit de la chambre les cheveux mouillés, son bloc-notes dans la poche arrière de son jean, son portable dans l'autre. Elle se dirigea directement vers la cuisine. La faim la tiraillait et elle pensait que c'était sûrement là qu'elle trouverait le maître de maison. Le manoir paraissait vide. Dans le jardin, Monsieur Cambello s'affairait autour des rosiers de l'allée centrale. De gros nuages noirs au loin laissaient présager une averse avant la fin de la journée.
Emma présuma que Nathanaël dormait encore. Elle mangea un petit-déjeuner sur le pouce. Elle était agitée et guettait le moindre bruit. Lorsqu'elle eut fini d'avaler la dernière bouchée d'un morceau de pain de mie complet, elle entendit le bois de l'escalier craquer.
— Enfin ! s'exclama-t-elle en courant vers le hall d'entrée.
À son grand désespoir, ce n'était pas Nathanaël qui descendait les escaliers, mais Colonel, qui claudiquait péniblement le long des marches. L'animal vint s'asseoir aux pieds d'Emma et la fixa langue pendante durant quelques secondes. La jeune femme lui grattouilla l'oreille comme à son habitude, mais le chien ne réagit pas.
— Ben alors, qu'est-ce que tu veux Coco ? Tu as besoin de sortir ?
Emma alla ouvrir la volumineuse porte d'entrée, mais la bête n'avait pas bougé d'un pouce. Il regardait maintenant le haut des marches d'escalier. Tout à coup, Colonel aboya faiblement et remonta les marches tête baissée. Étonnée par ce comportement plutôt inhabituel de la part de ce chien qui ne faisait que dormir et manger depuis son arrivée, Emma décida de le suivre dans sa difficile ascension. Elle fut surprise de constater qu'il ne s'arrêtait pas au premier, mais continuait sa pénible progression jusqu'au deuxième étage du manoir. Là, Colonel se dirigea vers le bureau dont la porte, grande ouverte, inondait le couloir de lumière.
Emma était ravie. Cela voulait forcément dire que Nathanaël était réveillé et l'attendait ici pour poursuivre le récit de ses aventures. Un sourire aux lèvres, Emma entra à grande enjambée dans la pièce, mais elle fut à nouveau déçue de le découvrir vide. Par contre, certains objets avaient été déplacés. Le transporteur ne reposait plus sur son socle, mais se trouvait à présent en plein milieu du bureau de Nathanaël, sur une pile de plusieurs documents jaunis : des dessins et des notes qu'il avait dû écrire il y a plusieurs dizaines d'années. Très étrangement, juste à côté, une bassine en plastique remplie d'eau était déposée. La carte était également décrochée du mur et appuyait contre le rebord de la cheminée. Plusieurs livres à la couverture en cuir étaient éparpillés à même le sol.

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Zéladonia
FantasyEmma ne s'attend pas à affronter mille danger lorsqu'un millionnaire lui propose un poste de dame d'entretien dans son étrange manoir. Ce dernier, gardien d'un extraordinaire secret depuis plusieurs décennies, l'emmènera malgré elle dans un autre mo...