Si Scyllia croyait que l'endroit où Shed avait rencontré ces individus peu recommandables était le plus délabré de la ville, elle se rendit compte bien vite qu'il y avait bien pire. Entourée par cinq véritables armoires à glace dont l'odeur, au vu du nombre de mouches qui leur tournaient autour, devait s'approcher d'une étale de poissons péchés depuis un peu trop longtemps, elle découvrit un quartier encore moins attrayant.
Les routes n'étaient plus pavées, mais en terre, ou plutôt en boue. Les quelques maisons qui tenaient debout avaient les fenêtres barricadées de planches pourries tandis que les autres habitations n'étaient que des amas de bois dans le même état de décomposition ou des tentes improvisées avec du tissu déchiré, troué et délavé. Certains habitaient même dans des petits renfoncements et n'avaient, pour avoir un peu d'intimité, qu'un rideau à tirer, sans même un toit pour s'abriter des intempéries pourtant fréquents dans une ville portuaire.
Tous ces aspects, Shed semblait s'en ficher pas mal. Il continuait de jouer la fille naïve et innocente à la recherche de son père. Pourtant, les regards inquiets et compatissants que lui jetaient les habitants ne présageaient rien de bon quant à la suite.
— On est bientôt arrivé ? questionna-t-il.
— Bientôt, lui répondit l'un des hommes en lui souriant de toutes ses dents, soit quatre.
— Tant mieux, j'ai hâte d'enfin pouvoir rencontrer mon père !
Les cinq hommes la menèrent à un entrepôt au milieu de ce quartier pire que la cité des damnées. Étrangement, celui-ci ressemblait bien plus à un bâtiment que l'on pouvait retrouver sur les quais plutôt qu'aux taudis qui constituaient cette zone. L'homme qui se trouvait devant ouvrit une porte sur le côté de l'édifice et entra à l'intérieur.
— Avance ! ordonna celui de derrière en poussant Scyllia.
Feignant toujours une évidente faiblesse, Shed fit semblant d'être emporté par ce geste et manqua presque de tomber par terre. Les quatre autres hommes entrèrent à leur tour et refermèrent la porte. Ils se trouvaient à présent dans un long couloir sombre dont la seule source de lumière était à l'opposé. Elle devait provenir de la salle qui se trouvait au fond. C'était d'ailleurs par là qu'elle pouvait entendre des éclats de voix et des rires.
Son escorte la fit avancer jusqu'à pénétrer dans cette pièce, et Scyllia put enfin savoir ce qu'était vraiment cet endroit. De grandes tables se trouvaient un peu partout et un grand nombre de personnes buvaient des bières en riant. Si ça n'était qu'une taverne illégale, la prétendante aurait été soulagée, cependant, ce lieu offrait d'autres genres de divertissements.
À sa gauche, une femme hurlait et se faisait traîner vers une autre partie du bâtiment. Dans un coin, Shed tourna la tête au moment où un homme tranchait la gorge d'un autre. Deux personnes ramassèrent en vitesse le corps alors que, près des tables, de l'argent passait de main en main.
— Au suivant ! appela quelqu'un prêt de celui qui avait tué l'autre.
— Non, non ! S'il vous plaît ! implora un autre avant qu'on ne le lance devant le tueur.
Quelqu'un jeta une lame à ses pieds et, en désespoir de cause, le pauvre homme la ramassa et la pointa devant lui d'une main tremblante. Son adversaire était un colosse armé d'une épée de très bonne facture alors qu'il ne tenait qu'un simple couteau émoussé. Scyllia comprit que les paris ne se faisaient pas sur qui allait l'emporter, mais sur combien de temps le malheureux allait encore rester vivant.
De l'autre côté, un autre bruit attira l'attention de Shed. Une femme très peu vêtue et enchaînée au niveau des chevilles venait de tomber par terre après s'être prise une gifle cinglante.
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Scyllia tome 4 : L'assassin
FantasyÀ présent en possession d'un éclat de l'orbe de souvenir que Ouros, le dieu de la mort, avait brisé et dispersé dans son monde après avoir insufflé de grands pouvoirs dans les fragments, Scyllia peut enfin retrouver sa vie presque normale d'étudian...