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Jeudi 26 janvier 2017

J'ai été contrainte de retourner au travail, non pas par choix mais par obligation. Il faut bien ramener un salaire à la fin du mois pour avoir de quoi payer le loyer. Les premiers jours ont été rudes mais j'ai finis par y retrouver un bon rythme.

Mon patron s'est montré compatissant à mon égard, il a réorganisé ma fiche de poste. Je ne suis plus en caisse ni au devant de la clientèle, je suis désormais chargée de gérer les commandes, les livraisons, de trier les papiers. Je suis devenue en quelque sorte une secrétaire bien qu'en cas de rush je suis emmené à aider mes collègues au comptoir. Sauf qu'à la seule différence c'est que je ne parle pas. Je réponds aux demandes des clients sans jamais leur répondre vocalement. Et j'ai aussi accepté de rattraper mes heures manquées en enchaînant les heures supplémentaires.

J'ai même repris mon travail chez Monsieur et Madame Dupont. Leur fille a accepté que je revienne travailler et ce malgré ma difficulté à communiquer. Elle a une confiance aveugle en moi. Monsieur et Madame Dupont ont été très surpris de me revoir, et ils l'ont été d'autant plus en me voyant muette mais ce qui n'a en aucun cas impacté mon travail vu qu'ils ont été amenés à apprendre le langage des signes pour l'un de leurs enfants qui présentait des troubles de la communication.

Pour ce qui est de ma vie perso, j'ai l'obligation formelle de me rendre au cabinet de ma psychologue au moins deux fois par semaine. Les communications se font uniquement à l'aide d'une ardoise. Elle me pose des questions et j'y réponds à l'écrit. J'y écris mes ressentis et j'ai la nette sensation d'être enfin comprise par celle-ci.

J'ai été une nouvelle fois convoqué au commissariat pour un énième interrogatoire, accompagné de ma psychologue pour pouvoir aboutir à des résultats concrets. Il s'est avéré que mon mutisme est un effet secondaire au traumatisme que j'ai subis après avoir pris connaissance du passé douteux de mon père et d'avoir été placé en garde en vue. C'est assez connu apparement, je suis loin d'être la première à qui ça arrive. D'après ma psychologue, ma voix reviendra au fil du temps.

Pour ce qui est de l'avancée de l'affaire, que vous dire de plus à part qu'ils pensent à relâcher Dan...

Alors je profite tant qu'il en est encore temps. De toute façon je ne compte pas rester vivre ici éternellement. J'ai toujours le projet de partir vivre dans mon pays natal.
Les seules choses qui puissent me retenir ici sont finalement ma sœur et ses études.

Il est 16h10, j'attends patiemment devant les grilles de l'école maternelle. J'ai tenu à aller récupérer mon filleul pour lui faire la surprise. J'ai tellement hâte de pouvoir le serrer dans mes bras.

Je sens les regards posés sur moi, je ne suis pas bête...je comprends que des messes basses se font sur moi. Malheureusement on ne pourra jamais empêcher les gens de parler. Tout le monde ici se connaît, les rumeurs vont vite. Mon histoire s'est su, tout le monde sait ce qu'il se passe dans ma vie personnelle. Tout le monde a pris connaissance de l'affaire et des accusations qui ont été portées sur mon père et moi. Mais qu'importe, ce n'est pas ça qui me fera renoncer à aller chercher mon filleul.

16h25 la gardienne vient enfin d'ouvrir le portail. Je me dirige vers la salle de classe de Theo et attends sagement qu'il en sorte.

Lorsqu'il m'aperçoit il ne peut s'empêcher de courir dans mes bras. Je le serre si fort contre moi. Le sentir dans mes bras me remplis de joie, j'en avais presque oublié la sensation que ça me procurait.

Derrière moi ça continue à parler. Très vite des jurons se font entendre à mon égard mais je n'écoute pas. Ils ne m'enlèveront pas ce si beau moment, ils ne me gâcheront pas les retrouvailles avec Theo.

Illusion / Vald Où les histoires vivent. Découvrez maintenant