strange bird

Chapitre 5 : cette chaleur presque étouffante.

Le garçon s'assit à côté de moi. Pas trop près, cependant. Je lui en fus reconnaissante, je n'aurais pas supporté une trop grande proximité. De ma position, je pouvais déjà sentir la chaleur émaner de son corps. C'était anormal, il semblait avoir de la fièvre. Pas étonnant, s'il se baladait en t-shirt avec ce temps là. Je voulu lui faire la réflexion, puis je me rappelai que ça ne me regardait pas. Il n'avait pas l'air bête, il devait savoir s'occuper de lui. Il semblait attendre une réponse. Pendant un instant, j'avais oublié qu'il m'avait adressé la parole. Je fixais toujours l'horizon, je ne pouvais pas le regarder d'aussi près. Je me l'interdisais.

« - Tu ne devrais pas porter de t-shirt au mois d'octobre. »

C'était sorti tout seul. Je ne pouvais pas m'en empêcher. J'étais emmitouflée dans une veste qui n'arrivait tout de même pas à me réchauffer complètement, et lui se baladait les bras nus, comme si cela lui était égal. Cela m'irritait. Il rit, cependant. D'un rire si doux et sincère. J'aurais voulu qu'il continue de rire encore, mais il s'arrêta.

« - Tu as raison, admit-il. Mais courir après un ballon réchauffe.

- Harry fait du foot, lui aussi.

- C'est ton petit frère ?

- Oui. »

Embry suivit mon regard et posa le sien sur mon frère. Ce dernier semblait infatigable. Il continuait de jouer avec son ballon, me faisait quelques fois des signes pour que je le regarde. Rapidement, je remarquai du coin de l'oeil qu'Embry m'observait à nouveau. Je n'aimais pas vraiment ça. J'aurais voulu lui dire d'arrêter. Mais j'avais peur de le vexer, qu'il se lève pour partir. La chaleur qui l'entourait était agréable. J'aimerais qu'il parle encore. Je n'avais pas encore distinguer tous les détails de sa voix. C'était comme si j'avais besoin de m'en souvenir à tout prix, au cas où. Comme pour mettre un son sur la toile de fond, quand je serai à nouveau seule dans le noir de ma chambre. Je serais sûrement contente de m'en rappeler, à ce moment là.

« - Je n'avais jamais entendu un prénom comme le tien, risquais-je en gardant le regard fixé sur Harry.

- Je n'avais jamais entendu un prénom comme le tien non plus, me répondit-il presque immédiatement. »

Je pouvais déceler un sourire au son de sa voix. Je jetai un rapide coup d'oeil dans sa direction, il continuait bien entendu à m'observer, comme s'il essayait de retenir chaque parcelle de mon visage, chaque ridule, chaque imperfection. Peut-être essayait-il de constituer sa toile de fond. Moi, je n'en avais pas besoin. Je connaissais déjà ses yeux par coeur, je les avais si souvent vu, à chaque fois que je fermais les miens. Je tentai toutefois de m'attarder sur les autres constituants de son visage. Il avait des traits fins. Des lèvres charnues. Une carnation beaucoup plus foncée que la mienne. Je me demandais quel âge pouvait-il avoir. Il paraissait plus vieux que moi de quelques années. Je finis par détourner le regard, mon inspection n'avait duré que quelques secondes. J'essayais déjà d'imprimer les informations dans un coin de mon esprit. J'avais une bonne mémoire.

« - Encore avec ce livre ? »

La voix suave avait été remplacée par celle, plus fluette et aiguë, de Taylor. Cette dernière se posta devant moi, jeta un regard intrigué à Embry, avant de reporter son attention vers ma personne. Elle avait l'air anxieuse et inquiète, pinçant ses lèvres entre elles. J'espérais que la conversation avec Leah s'était bien déroulée, contrairement à la semaine précédente. Je n'avais pas envie que Taylor soit triste.

J'haussais les épaules en guise de réponse à sa question, qu'avaient-ils tous avec mes choix de lecture ? Une voix lointaine interpella Embry. Un garçon du groupe lui faisait signe de les rejoindre, le ballon à la main. Il sembla hésiter à se lever ; l'expression de son visage trahissait son manque d'entrain à l'idée de courir à nouveau après un ballon. Il finit tout de même par s'éloigner, me jetant un dernier coup d'oeil par dessus son épaule.