strange bird

Chapitre 18 : je ne suis pas faite pour ce monde.

« - Hazel, tu peux me parler de ce que tu as vu, tu sais.

- Je n'ai pas envie d'en parler, répondis-je fermement à l'invitation du docteur Cullen. »

Comme promis, je m'étais rendue au rendez-vous le lundi matin, manquant la matinée de cours au lycée. De toute façon, je n'aurais pas été capable de me concentrer. Je me demandais si Taylor y arrivait, elle. Ou si elle avait décidé de rester dans son lit, incapable de se lever. Ça avait été mon cas, le matin même. Je n'avais pas dormis de la nuit, bien entendu. Je m'étais contentée de fixer le plafond, et avait essayé, pendant huit longues heures, de trouver une explication logique aux évènements de l'après-midi. Mais aucune théorie ne tenait la route. J'avais fait un classement dans ma tête, puis une sorte d'arbre de probabilités. Mais les chances que telle solution ou une autre soit la bonne étaient minimes.

J'avais l'impression d'être prise au piège dans une cage, et de ne pouvoir communiquer avec personne d'autre. Qui comprendrait ? Je détestais garder les secrets. Cela me rendait horriblement nerveuse.

« - Vous êtes au courant, devinais-je rapidement.

- En effet, répondit calmement Carlisle.

- Pourquoi ? Comment est-ce possible ? La tribu vous a en horreur !

- C'est une longue histoire, soupira le médecin en s'adossant à son siège. Nos ancêtres respectifs étaient autrefois en... Désaccord, si on peut appeler ça comme ça. Ils ont fini par trouver un terrain d'entente. Mais l'animosité semble persister entre certaines personnes.

- Seth vous aime bien, remarquais-je.

- C'est un garçon que j'apprécie aussi, sourit Carlisle.

- Même quand il se transforme en loup géant ? »

Encore une fois, ma langue s'était activée plus vite que mon cerveau. Je brûlais d'envie d'en parler, au fond de moi. De comprendre les choses. Voilà ce qui me gênait le plus. Ne pas comprendre. Être totalement aveugle, ne pas avoir de repère. J'ai besoin d'analyser, de saisir le sens des choses. Néanmoins, dans cette situation particulière, le sens n'existait plus. Il n'y avait plus que du bazar, de l'incompréhensible. J'aurais pu fermer les yeux, fort. Et tenter d'oublier. Comme l'avait suggéré Taylor. Mais je savais très bien que je n'en étais pas capable. Et je ne savais pas non plus si j'en avais envie. Parce qu'oublier reviendrait à oublier Embry en même temps. Et je n'étais définitivement pas prête pour ça.

« - C'est la partie délicate, murmura Carlisle en esquissant une espèce de grimace.

- Vous qui êtes médecin, vous êtes sensé être du côté du scientifique, du rationnel, non ? M'emballais-je.

- En effet, admit-il, toujours aussi calme.

- Dites-moi que vous avez une explication logique à ce que j'ai vu, le suppliais-je presque.

- Il y en a, des explications, commença-t-il. Je ne sais pas si on peut les qualifier de logiques, mais il y a des raisons, du sens. En revanche, ce n'est pas à moi de t'en parler.

- Je ne veux pas y retourner.

- Tu n'y es pas forcée. »

Je pourrais contacter Embry. Lui demander de venir, de m'expliquer les choses. Mais une boule de nerf se formait au creux de mon ventre rien que d'y penser. Avais-je peur de lui, désormais ? C'était absurde. C'était la personne avec qui je me sentais le mieux. Avec qui j'avais envie de passer mes journées. Je ne pouvais pas avoir peur de lui. Mais à chaque fois que je fermais les yeux, et essayait de l'imaginer, je ne pouvais m'empêcher de le voir se transformer en loup géant, prêt à me sauter dessus.