Chapitre 10 : home like home.

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Le vent faisait abattre les gouttes de pluie sur la fenêtre, dans un bruit fracassant. Je les contemplais, roulant sur la vitre. Elles me rendirent soudainement triste, bien que mon moral ne fut pas au beau fixe ces derniers jours. Les cours avaient repris, la routine s'était à nouveau installée. Je n'avais pas osé contacter Embry. Je ne savais pas commencer une conversation. Lui non plus, apparemment. Je ne l'avais pas vu depuis maintenant une semaine. Une sensation déchirante s'empara de ma poitrine quand j'y songeai.

« - A quoi penses-tu, Hazel ? »

La voix du psychiatre résonna dans la pièce. Il n'était plus derrière son bureau, il s'était installé sur un petit canapé, me laissant aller et venir comme je le voulais. Je soupirai en croisant mes bras contre mon buste, tel un bouclier. Je ressentais une envie fulgurante de pleurer. Un noeud s'était installé dans ma gorge, ces derniers jours. Une sensation de malaise me gagnait. J'avais l'impression de pouvoir exploser à tout moment. Comme une bombe à retardement. Je n'avais pas envie de faire de dégâts autour de moi, néanmoins. J'espérais que le moment venu, je serai seule.

« - La semaine a été compliquée, soupirais-je en secouant la tête.

- Pour quelles raisons ? Me questionna-t-il prudemment.

- Je n'arrive pas à l'expliquer.

- Essaye, m'encouragea le docteur. »

Je réfléchis un instant. Songeait au samedi dernier, beaucoup plus joyeux qu'aujourd'hui. Je repensais à la chanson qu'Embry m'avait fait écouté. Le livre que j'avais presque terminé. Tout paraissait si loin. Trop loin. Je me grattai sauvagement la nuque, comme pour me débarrasser de ce sentiment désagréable. Je n'avais jamais ressentis de manque. Etait-ce cela ? Me manquait-il ? C'était idiot. Je me trouvais idiote, ces temps-ci.

« - J'ai envie d'hurler, tout le temps. Mais je n'y arrive pas, résumais-je en continuant de contempler la pluie.

- Qu'as-tu envie d'hurler, exactement ?

- Rien de particulier, répondis-je d'un ton las. J'aimerais juste que ça sorte.

- Si tu n'as pas envie d'en parler, tu peux le jouer, m'incita-t-il en désignant le piano d'un geste du menton. »

Telle une exorcisation, je voulais me débarrasser de tout sentiment. Tout. Je ne voulais plus rien ressentir. Me retrouver dans le vide, le néant. Cela serait toujours mieux que de supporter cette brûlure, tous les jours, depuis une semaine. Je n'ajoutais rien d'autre de tout le rendez-vous. Je me contentai de me mettre derrière le piano. L'air « In Moonlight » d'Akira Kosemura me vint en tête, je l'exécutai d'un geste presque automatique, sans regarder les touches. Cela ne suffit pas à me libérer, pourtant.


Ma tante venait nous visiter, aujourd'hui. Rose, la soeur de ma mère. Blonde, les cheveux plus courts, quelques rides en plus. Je ne l'aimais pas beaucoup. Elle parlait trop fort. Commentait tout et n'importe quoi. La plupart du temps, je l'ignorais simplement. Cela ne plaisait pas à maman, mais elle n'insistait pas. Mon père avait été la chercher à Port Angeles, en fin de matinée. Je le plaignais de devoir supporter ses discours pendant plus d'une heure.

Quand elle arriva, à l'heure du déjeuner, elle cria en embrassant ma mère. Je trouvais sa réaction excessive, nous n'avions déménagé que depuis deux mois. Elle prit soin de me saluer de loin, tentant un sourire forcé et gêné. Je lui rendis le même. J'espérais que cela ressemblerait à une grimace, pour une fois. Elle serra Harry dans ses bras, tandis qu'il semblait suffoquer sous l'étreinte. Elle passa le repas à parler vivement avec ma mère, s'adressant quelques fois à mon père qui semblait prendre sur lui pour ne pas sortir de table plus tôt. J'aurais aimé partir, moi aussi. Mais maman m'avait demandé de faire « un minimum d'effort ». Alors je faisais mine de l'écouter parler de nos cousins, qui suivaient des études dans je ne sais quelle discipline. Je m'en fichais. Ils ne devaient pas demander beaucoup de nouvelles de moi, non plus.

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