Chapitre 11 : humainement impossible, terriblement consumant.

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Les notes de piano résonnèrent dans la pièce qui servait de débarras et, de temps en temps, de salle de jeux quand Harry n'avait plus assez de place dans sa chambre pour étaler ses jouets. Je soupirai en tentant de reproduire les accords de « Tiny Dancer ». Les chansons d'Elton John étaient toujours un plaisir à reproduire, mais plus difficiles qu'à l'ordinaire. Par périodes, je passais des heures devant le piano, des journées, oubliais même de manger. Taylor était allongée sur le parquet du sol, feuilletant un magazine. Elle aimait m'écouter jouer, elle disait que cela la détendait. Je n'en avais pas l'impression, pourtant. Elle était semblable à une pile électrique. Rien ne pouvait la calmer. Surtout aujourd'hui. Depuis qu'elle était arrivée à la maison, elle semblait trépigner d'impatience.

« - Leah m'a dit que tu étais passée à La Push, samedi dernier, déclara-t-elle soudainement. »

Sa réflexion me fit louper une note. Je grimaçai ; j'étais sur le point de finir le morceau. Je n'avais pas tenu Taylor au courant de mes péripéties du week-end dernier. Tout d'abord, je n'avais pas envie d'en parler. C'était une expérience à la fois désagréable et étrangement libératrice. Pas la peine de tenter de l'expliquer. Ensuite, je savais quelles genres de conclusions elle serait capable d'en tirer. Et ce n'était pas du tout ce qu'elle imaginait. C'était indéfinissable et très inhabituel. Je n'avais pas de mots adéquats pour définir la situation. Je me doutais, néanmoins, qu'elle finirait par le savoir. Quil m'avait vu et adressé la parole. Ils semblaient tous relativement proches, à la réserve. Les conversations à mon propos ont du animer leurs échanges. Cela ne me faisait pas particulièrement plaisir. Je me demandais ce qu'Embry avait bien pu leur raconter. Je lui faisais confiance. Peu importe l'excuse qu'il avait donné à ses amis, je m'en fichais.

« - C'est vrai, affirmais-je simplement.

- Tout va bien ? S'enquit-elle.

- Maintenant, oui. »

Je décidai de me retourner et de la rejoindre en m'asseyant en tailleur sur le sol. Je retirai mon téléphone portable de ma poche. Cela faisait quatre jours, depuis ma visite surprise à La Push. J'avais passé une heure avec Embry. Nous avons discuté de nos lectures. Il m'a prêté Nos étoiles contraires, de John Green. J'avais été étonnée, je ne pensais pas qu'il lisait ce genre de livres. Il a paru gêné, avant de m'assurer que c'était une belle histoire. Je ne l'avais pas encore commencé, j'étais un peu effrayée à l'idée de le faire. Il était rare qu'un personnage de fiction porte mon nom. J'avais peur de trouver l'expérience étrange.

« - J'y ai été dimanche, moi aussi, ajouta Taylor en tournant une page de son magazine.

- Tout va bien ? L'imitais-je.

- J'en sais trop rien, soupira-t-elle en faisant la moue. J'essaye de faire comme si tout était comme avant. Mais il y a tous ces trucs... Commença-t-elle en grimaçant.

- Les trucs que tu trouves étrange ? Essayais-je de comprendre en jouant à tourner le téléphone portable entre mes doigts. »

Taylor sembla hésiter. Elle voulait me parler de quelque chose, mais n'était pas sûre d'elle. Cela ne devait pas venir de la confiance qu'elle avait en moi : elle savait que je n'avais personne à qui raconter toutes les péripéties de son amitié avec Leah. Même si c'était le cas, je n'étais pas encline aux bavardages. Peut-être que c'était trop personnel, alors. Pourtant, ma curiosité avait été attisée. Tout ce qui touchait aux habitants de la réserve semblait particulièrement m'intéresser, ces temps-ci.

« - Leah sortait avec Sam, avant. Un des garçons qui était à la plage, quand tu es venue pour la première fois. Ils étaient le couple parfait, amoureux et tout ce qui va avec, expliqua Taylor en levant les yeux au ciel. Et puis Sam a disparu, pendant plusieurs semaines. Evidemment, Leah était morte d'inquiétude. Quand il est réapparu, il n'était plus le même. Cheveux coupés, des centimètres en plus, une attitude complètement bizarre...

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