Chapitre 16 : quand le rationnel n'existe plus.

3.1K 214 24
                                    

Plus de trois longues semaines s'étaient écoulées depuis qu'Embry avait, pour la dernière fois, franchi le seuil de ma chambre. Je ne comptais pas les jours, je les voyais juste défiler. En fait, je ne les voyais même pas. Je les subissais. J'étais là sans l'être, j'entendais sans écouter, j'hochais la tête en guise de réponse. Le lycée qui, autrefois, était synonyme de souffrance, m'était aujourd'hui indifférent. Taylor comblait le silence en parlant à outrance, cachant difficilement son inquiétude. Les rendez-vous avec le docteur Cullen se résumaient à une heure de soupirs, des « tic-tac » de l'horloge, et des regards concernés de Carlisle. « Elle ne va pas bien », l'avais-je entendu dire à mon père. Qu'en savait-il ? Je n'avais pas prononcé un mot depuis des semaines. Qu'importe, je m'en fichais. Que j'aille bien, pas bien. J'aurais bien pu disparaitre, cela n'aurait fait aucune différence. Je me sentais affreusement vide.

Cet après-midi de dimanche, alors que je fixais le ciel sans vraiment le voir à travers la fenêtre de ma chambre, j'entendis un fort coup de klaxon. Je sursautai, avant de regarder en contrebas. C'était Taylor. Elle ne partirait pas, jusqu'à ce que je lui dise de le faire. Je soupirai, avant de me rendre au rez-de-chaussée. Mon père était toujours endormi dans son fauteuil, tandis que ma mère lisait un bouquin sur le canapé. Elle risqua un regard vers moi, avant de se redresser.

« - Tu devrais sortir. Il ne pleut pas, pour une fois. »

Ma mère, m'incitant à passer du temps hors de la maison. Je devais vraiment être dans un sale état. Je jetai un nouveau coup d'oeil à travers la fenêtre, Taylor attendait toujours d'un air décidé dans sa voiture. Un peu d'espace me ferait peut-être du bien. Je n'en savais rien. Tout me paraissait fade et sans intérêt. Mais voir mon amie aussi inquiète me provoquait une sensation de gêne. J'enfilai mes baskets à la hâte,  une veste, et sortis rapidement de la maison avant de changer d'avis. Quand je m'installai sur le siège passager, Taylor paru d'abord surprise, puis soulagée. Elle ne dit rien, se contenta de démarrer la voiture et de rejoindre la route principale. Après quelques minutes de silence, elle entama la conversation.

« - Tu me fais confiance ? Demanda-t-elle d'un air qui m'inquiéta plus qu'autre chose.

- Pourquoi as-tu pris la route en direction de La Push ? Lui demandais-je en reconnaissant l'itinéraire.

- Ecoute, je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre toi et Embry, mais...

- Je n'ai aucune envie de le voir ! M'exclamais-je en m'enfonçant dans mon siège.

- Oh arrête, tu peux mentir à qui tu veux, mais pas à moi ! Tu te comportes comme un fantôme, c'est flippant.

- Je ne vois pas de quoi tu veux parler, me butais-je.

- Et encore, ce n'est rien comparé à lui ! Renchérit-elle.

- Comment ça ? M'inquiétais-je soudainement. Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

- A toi de me le dire ! Je ne l'ai aperçu que deux fois, et c'était pas beau à voir. D'après Seth, il ne sort plus, ne répond pas au téléphone et refuse toute visite. »

Embry n'allait pas bien. Je ne pensais pas que cette rupture l'affecterait tant. Il avait l'air si occupé, ces temps-ci. Je ne pouvais pas prendre autant de place dans sa vie. Pas autant que lui en prenait dans la mienne. Il devait s'être passé autre chose. Un conflit de famille, peut-être. Je refusais d'être à l'origine de tous ses maux. De prendre autant d'importance. C'était trop lourd à porter. Je devais déjà me lever tous les jours, et prétendre d'être un minimum en vie.

« - Tu n'es pas obligée de me dire ce qu'il s'est passé, reprit Taylor. Mais il faut que vous vous parliez.

- Il s'est mal comporté.

strange birdOù les histoires vivent. Découvrez maintenant