Chapitre 10

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   Un pot de confiture de myrtille gisait vide sur le sol terreux et des tâches violacées entourées les lèvres pâles de Gerard. Frank avait fini aussi sa confiture de framboise et rit face à l'américain qui ressemblait à un enfant. Le concerné fronça les sourcils. L'italien passa son pouce sous la lèvre inférieure de l'américain pour enlever la confiture restée collée. Gerard sentit son cœur battre à tout rompre, mais fit mine que rien ne s'était passé. Tout à coup, ils entendirent des cris, puis des coups de fusil.

« C'est pas vrai, murmura Frank les larmes aux yeux. On doit partir, Gerard, prends vite tes affaires, on va courir, faut pas qu'on se fasse choper.

- Tu penses que c'est qui ? Demanda Gerard en prenant son fusil en main. »

  Frank tendit l'oreille pour comprendre la langue des personnes qui criaient, ses poils se hérissèrent quand il comprit de quel camp il s'agissait.

« Les allemands, répondit-il. T'as déjà tiré sur ces cochons, non ?

- Non.

- Sérieux ?! Alors c'est l'occasion idéale, il y en un trop près qui te menace, tu le tues, sans remord, tu l'envoies direct en enfer. Si on s'en sort, Gee, je me procure un flingue. On doit y aller, maintenant, t'es prêt ?

- On court, mais vers où ?

- Le nord, c'est là-bas, dit-il en pointant à droite, mais ils vont vers là-bas, on va peut-être les croiser, le nord c'est l'Angleterre, et l'Angleterre c'est la liberté.

- Je te suis, Frank. »

  L'italien lui sourit. Sa poitrine se serra, il pensa qu'il ne verrait peut-être plus jamais cet américain s'ils se faisaient tirer dessus et il ne voulait pas aller en Angleterre seul, il était si bien accompagné. Il se leva d'un bond et prit un sprint entre les buissons, il entendait Gerard qui le suivait, ses lourdes bottes le rendaient assez bruyant. Ils couraient sans regarder en arrière, slalomant entre les arbres, la peur leur rongeant les entrailles. Ils couraient plus vite que ce que leurs jambes leur permettaient, s'écorchant avec les branches et les épines, ils ne s'arrêtaient pas. Même pas quand un allemand les vit et cria à pleins poumons à ses coéquipiers. Frank comprenait aussi l'Allemand, il avait réussi à apprendre une multitudes de langues étant enfant. Sa grand-mère du côté de son père parlait Français et Italien et l'autre, Allemand et Italien. Mais l'anglais, il l'avait appris seul en allant au cinéma et en lisant des magazines. Les Allemands paraissaient alors à la poursuite des deux étrangers, le bruit de leurs bottes foulant le sol se rapprochaient d'eux. Puis, le pire arriva, ils se mirent à tirer dans le vide. Frank tourna sa tête une fraction de seconde pour vérifier que Gerard était bien derrière lui. Il fut soulagé, l'Américain courait avec toute son énergie, fusil en main. Les balles sifflaient à leurs oreilles, frôlant leur corps. Ils priaient pour ne pas se faire tuer. Mais, tout à coup, Frank Iero lâcha un cri de surprise, plaqua sa main contre son bras droit et ralentit à cause de la balle qui venait de le transpercer. Il ne s'arrêta pas, courant toujours, mais moins vite. Gerard était à ses côtés, une main dans son dos pour le faire avancer plus rapidement.

« Tiens bon, Frank, je t'en supplie. »

L'Italien serra les dents. Sa vision se floutait peu à peu. Il n'arrivait pas garder son esprit clair, la blessure l'avait beaucoup endommagé.

Après plusieurs et longues minutes à courir pour ne pas perdre la vie, ils furent enfin arrivés à la fin du bois. A quelques pas, un village était présent où les habitants semblaient plutôt tranquilles, ils ne devaient pas donc encore savoir que des nazis traquaient la forêt et arriveraient bientôt à leurs bâtisses. Gerard et Frank l'atteignirent et couraient encore dans les rues sous les regards surpris des villageois.

« Ne restons pas ici, dit Frank d'une voix faible.

- Mais il faut te soigner !

- Ils arrivent ! Ils vont piller le village, je ne veux pas tomber entre leurs mains de si tôt !

- D'accord. Mais que faisons-nous ?

- Vole une voiture. »

  L'Américain écarquilla les yeux, surpris de cette réponse. Il bafouilla, mais l'Italien lui ordonna de se dépêcher. Il repéra une Austin A40 Devon garée devant un café. Il s'y approcha et constata que le propriétaire y avait laissé ses clefs. Les villageois des années 40 n'avaient pas peur du vol. Gerard y fit grimper Frank et s'installa côté conducteur. Il alluma le moteur et réussit à les faire partir loin de ce village. Quand ils passèrent les dernières maisons, les coups de fusils et les cris des Allemands retentirent.

Black Rain [frerard]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant