PARTIE 1 - Chapitre 1

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— Si maman si,

« Mon avenir reste gris et mon cœur aussi »


Printemps 1814 – Birmingham, Royaume-Uni 

(Dix ans plus tard)


— ELLA !

Je hurle, descendant les escaliers à toute vitesse :

— ELLA !

J'arrive dans le sous-sol de ma demeure, passant par la lingerie dans laquelle pend des grands draps blancs fraîchement lavés. Je m'arrête dans la pièce sombre et vétuste qui sert de chambre à ma demi-sœur, Cinderella. Moi, je l'appelle Ella. C'est plus simple et, comme je passe mon temps à lui crier dessus, plus rapide également.

— Ella ?

— Oui, répond une voix sous la couette. Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Tu dors ? Il est à peine dix-neuf heures !

— Je me suis levée tôt pour terminer ton costume, s'explique-t-elle. Je suis fatiguée.

— Un sale boulot, grogné-je, en lui jetant le vêtement à la figure. Je veux que tu me refasses ça.

Ella se relève, ses longs cheveux bruns retombent le long de son visage et ses yeux sont creusés par des cernes. Je crois qu'elle ignore à quel point elle est belle.

— Qu'est-ce qu'il se passe avec cette chemise ? Demande-t-elle, d'un air las. On a fait les essayages, ce matin.

— Je n'aime pas l'aspect final, je veux que tu la cintres plus.

— Enfile-la, dit-elle, poliment.

Je grince des dents, en m'emparant du vêtement sur le lit. Je déteste sa passivité et son indifférence. J'enfile la chemise rapidement, attachant chaque bouton sous son regard inquisiteur.

— Je trouve qu'elle te va bien, reprend-elle la parole.

— Depuis quand tu donnes ton avis ? Cintre-la.

Ella se tait et part chercher ses aiguilles rangées dans un petit coffre en bois, à côté de son lit. Puis elle vient se placer derrière moi, resserrant le tissu de ses doigts tremblants.

— Ce bal s'annonce vraiment fantastique, finit-elle par commenter.

— Je ne crois pas avoir essayé d'engager la conversation avec toi.

Elle continue son travail, en silence, et je profite du calme pour me plonger dans l'ambiance du bal. Une soirée organisée par le duc de Birmingham, en l'honneur des dix-huit ans de son fils unique : Harold. Il paraît que le duc cherche à le marier.

— Ce bal, reprend Ella sans que je ne lui donne l'autorisation d'ouvrir la bouche. Je pourrais y aller, moi aussi ?

Je m'arrête, stupéfait. J'ai dû mal comprendre.

— Es-tu sérieuse ?

— J'ai bien travaillé aujourd'hui, ajoute-t-elle, fébrile de ma réaction. Rangé toute la maison, fait ton costume, et cuisiné pour le dîner. Ce ne serait que l'histoire de quelques heures.

— Tu es fatiguée, la rembarré-je. Tu l'as dit toi-même.

— Je ne rentrerai pas tard. Minuit, maximum. Promis.

Après minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant