Chapitre 9

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– La maladie d'amour

« Le plus douloureux, c'est quand on en guérit »


Printemps 1816 – Birmingham, Royaume-Uni


J'observe mon reflet dans le miroir. J'observe mon mensonge et essaie d'y croire pour la bienséance. Après tout, aujourd'hui n'est-il pas le plus beau jour de ma vie ?

J'entends toquer à la porte de ma loge. Je prends une longue inspiration et tente de dessiner un sourire sur mes lèvres. Timide. À peine franc. Tout de même présent.

— Entrez.

Le duc pénètre dans la pièce, bien apprêté, évidemment. Le père marie son fils. Je suppose qu'il se soulage du plus gros fardeau de sa vie : moi et mon vice impardonnable. Comme Dieu n'a su me punir de ma faute, ce sont les hommes qui s'en sont chargés à sa place.

— Es-tu prêt ?

J'inspecte une dernière fois ma tenue dans la glace. L'image me renvoie celle de la vie qui m'attend : étriquée au point que j'en ai du mal à respirer.

Je réponds tout de même :

— Je suis prêt.

— Ta mère aurait été fière de toi, Harold.

— Et de toi ?

Le visage du duc se crispe, blessé.

— Je sais ce que tu vis, reprend-il. C'est un mariage arrangé qui m'a lié à vie avec ta mère. Depuis ce jour-là et jusqu'à la terrible maladie qui nous l'a retirée, je l'ai aimée de tout mon cœur et de toute mon âme. Elle était ma famille. Ella deviendra la tienne.

— J'aime Ella, le coupé-je. Mais je n'en suis pas amoureux et je ne le serai jamais.

— L'amour est un privilège.

Je souris, malgré ma peine.

— Louis disait ça.

Mon père se tend. Je suppose que même l'entente de son prénom le fait souffrir, lui rappelant la cruelle existence de la personne qui lui a retiré le fils qu'il croyait avoir pour celui qu'il ne veut plus connaitre.

Il tousse, comme pour se redonner un constance, puis rétorque fermement :

— Nous en avons déjà parlé.

— Je sais.

Nous nous observons, longuement, presque apeurés de découvrir ce que nous sommes devenus l'un pour l'autre. Des étrangers qui ne se comprennent plus, qui se supportent tout juste pour contenir le semblant de relation qui les lie.

— Louis vient au mariage, m'informe le duc. Il va bientôt arriver.

Je ne sais quoi répondre, hébété par la nouvelle. Nous ne nous sommes jamais revus depuis qu'il a quitté Birmingham après les fêtes, il n'a jamais repris contact avec Ella non plus. Je ne pensais pas qu'il ferait le déplacement pour la cérémonie.

— Fais-lui tes adieux convenablement et laisse cette histoire derrière toi, conclut mon paternel, en quittant la pièce.

*

J'avance, le pas lourd, vers la cathédrale. Tous les invités sont présents, bien habillés, beaux, raffinés, à mille lieux d'imaginer ce qui se passe à l'intérieur du prince. On vient vers moi, on me salue, me serre la main, m'embrasse chaleureusement, on félicite le futur marié.

Après minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant