Chapitre 6

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– Que la vie est triste

« Ça pèse pas lourd, la vie d'un homme »


Eté 1814 – Birmingham, Royaume-Uni


— Niall !

Les rayons du soleil se reflètent sur les mèches plus claires de sa chevelure. Il reste dos à moi, ne se retournant pas dans ma direction.

— Niall ! Insisté-je, traversant la place du marché.

Il continue d'avancer et j'accélère mes foulées.

Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, pas tant pour la perte de son amitié mais plutôt par crainte que l'existence d'Ella remonte aux oreilles du prince. Je ne crois pas que Niall soit proche de la famille royale, mais je préfère ne prendre aucun risque.

Je me plante devant lui. Niall relève son regard vers moi en soupirant.

— Maintenant c'est toi qui deviens insistant, commente-t-il.

— J'ai besoin de te parler.

— Tu aurais dû le faire bien avant. Qui est cette fille ? Pourquoi tu la caches ? Qu'est-ce que...

Je pose ma main sur sa bouche pour l'empêcher d'en dire davantage. La place du marché est bondée, hors de question qu'une oreille indiscrète n'entende cette conversation.

Niall se brusque et se retire d'un coup sec, me regardant d'un air effaré.

— Viens discuter plus loin.

— Je serais assez bête pour te suivre dans une ruelle vide de toute espèce humaine afin que tu m'y assassines en toute liberté ?

— Je ne suis pas un assassin.

— Et alors tu es quoi ? Un geôlier ?

— Non, m'offusqué-je. Ella n'est pas en prison. Elle est de ma famille.

— Tu m'as dit que tu n'avais pas de sœur.

— Je n'en ai pas. Ella est ma demi-sœur.

— Et tu l'enfermes, ajoute-t-il.

— Je la protège.

Niall lève les yeux au ciel d'un air exaspéré. Il me lance un bref coup d'œil et doit remarquer que je suis stressé d'avoir cette conversation au milieu du marché. Il soupire, puis s'éloigne de la place principale pour continuer notre échange. Je le suis en glissant mes mains dans les poches de mon pantalon afin de les empêcher de trembler.

— Explique-moi, déclare Niall.

— Que veux-tu savoir ?

— De quoi est-ce que tu peux bien la protéger ?

— Des hommes.

— Ça n'a aucun sens.

Je bifurque mon regard vers la place du marché. J'y aperçois ma mère acheter des légumes. Elle sourit et discute avec la marchande.

J'ignore comment le convaincre de me croire.

— Louis, m'appelle Niall. Pourquoi est-ce que tu protégerais cette fille de la royauté ? N'importe quelle famille de ce pays rêverait de voir son enfant épouser le prince Harold. Vous seriez en haut de l'échelle sociale. Vous feriez partie de la famille la plus riche des Midlands de l'ouest. Je ne comprends pas.

Après minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant