Partie 2 - Chapitre 1

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– Dis quand reviendras-tu ?

« Tout le temps perdu ne se rattrape plus »


Eté 1815 – Birmingham, Royaume-Uni


Cher Louis,

Je vous écris de Birmingham, là où votre absence me pèse et me chagrine de jour en jour. J'ai le cœur lourd et la plume tremblante – pardonnez mon écriture. J'écris ce mot dans la pénombre de ma chambre, sachant avec regret qu'elle restera sans réponse, comme toutes ces lettres que je vous ai faites parvenir depuis votre départ de Vienne. Vous pourriez vous demander pourquoi je m'acharne. Je me le demande souvent. Pour être honnête, à chaque fois que la cire de bougie cachette l'enveloppe... Peut-être que le poids de mes mots s'estompe à chaque kilomètre parcouru. Peut-être que l'espoir d'une réponse m'incite à continuer à vous écrire.

J'ai peur pour vous, Louis. J'ai peur de la guerre et de ces morts. J'ai peur que vous ne disparaissiez parmi eux. Je guète votre nom dès que nous recevons des nouvelles du duc de Wellington, et celles-ci sont bien trop rares à mon goût. J'ai entendu dire au château que les armées napoléoniennes avaient battu les Prussiens à Ligny et qu'elles marchaient droit vers les troupes britanniques. Cela m'inquiète, mais me fait toutefois espérer que cette guerre se termine au plus vite.

Je vous supplie de rester en vie, Louis. Vous me manquez terriblement et j'aspire à vous revoir, dans ce bar, là où nous y discutions pendant des heures. Ces rencontres comblaient le vide de ma triste vie. Je vous vois déjà esquisser un sourire ironique en songeant à quel point je me fiche bien du monde, moi, le noble dans son château qui ne connait rien à la vraie tristesse.

En effet, Louis, je me fiche bien de ce monde dans lequel vous n'y apparaissez plus.

Mes amitiés sincères,

Harry

Amitiés sincères.

Ma main tremblante repose la plume dans son encrier. Mes yeux s'arrêtent sur ces mots qui me restent coincés en travers de la gorge alors que l'encre noire s'imprègne lentement dans le papier.

Je m'éloigne du bureau et m'avance vers le miroir de ma chambre pour ajuster ma tenue pour le dîner de ce soir. Une rencontre avec une fille de bonne famille est prévue. Ce n'est qu'un repas parmi tant d'autres, mais cela me semble toujours des plus insupportables.

J'observe mon reflet dans le miroir. J'ajuste ma chemise dans mon pantalon, referme chaque bouton de mon gilet sans manche et noue un foulard rouge autour de mon cou. Le reflet renvoie un noble élégant et raffiné, lorsque je ne vois, derrière ses apparences, qu'un homme épuisé de mentir.

J'entends le duc m'appeler du salon :

— Harold ! Nos invités sont arrivés.

Je me dirige vers la fenêtre de ma chambre, observant la calèche qui vient de s'arrêter dans la cour du château. Le comte Delevingne en sort le premier, suivi de sa femme et de sa fille unique. Une charmante jeune femme aux cheveux blonds, dressée d'une robe élégante et colorée. Un bon parti, comme elles le sont toujours.

— Harold !

J'ajuste mon nœud de foulard et affiche un sourire de circonstances pour me préparer aux festivités, mais c'est comme si mon reflet me riait au nez. Je détourne aussitôt le regard et réponds à mon paternel qui doit s'impatienter au rez-de-chaussée :

Après minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant