Chapitre 3

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– Désenchantée

« Si je dois tomber de haut que ma chute soit lente »


Eté 1815 – Birmingham, Royaume-Uni


Je descends de mon cheval en soupirant. La chaleur de l'été est écrasante. J'attrape le harnais de Belzébuth pour le ranger dans son box. Les écuries sont au fond du parc du château. J'adore me réfugier dans cet endroit lorsque je veux être seul.

— C'est bien, mon grand, félicité-je Belzébuth, en lui donnant un sucre.

J'avais cinq ans quand j'ai donné ce nom à mon cheval. Je revois encore le froncement de sourcils de mon paternel.

« — Pourquoi lui donner le nom d'un démon, mon garçon ? C'est un ange déchu, comme Lucifer. Un disciple du Diable. Tu ne veux pas que ton cheval porte un si vilain nom ?

— Je veux que mon cheval soit si bon qu'il fasse effacer ce nom des enfers. »

C'est le duc qui m'a relaté ces propos avec une lueur malicieuse dans les yeux. Je n'ai pas souvenir d'avoir su répondre avec autant de justesse a tout juste cinq ans.

Mon père m'idéalise.

— Quelle chaleur, hein ? murmuré-je, en caressant la crinière de Belzébuth.

Le cheval hennit et je lui offre un second sucre, avant de passer une main dans mes cheveux. Certaines mèches sont collées à mon front à cause de la sueur. Je dois avoir mauvaise allure.

— C'est donc ici que tu te caches ?

Je sursaute, me retournant vers le duc.

— Quelle idée d'aller galoper sous cette chaleur, reprend-il.

— J'avais besoin de sortir prendre l'air.

Mon père acquiesce, remontant son chapeau haut de forme sur sa tête.

— Je vais partir à Londres pour quelques jours, Harold. Tu sauras te débrouiller sans moi ?

— Je m'occuperai du château, lui assuré-je. Qu'allez-vous faire à Londres ?

— Rencontrer le duc de Wellington, parler affaires, principalement.

Je retiens ma question du bout des lèvres. Je ne suis pas certain que le duc de Wellington soit toujours en contact avec Louis. Il a été son chef pendant la guerre, certes, mais il avait tant de soldats sous ses ordres. Je ne suis pas sûr que Louis ait fait la différence, quand bien même ils se soient déjà rencontrés avant les combats.

— Il est vivant.

Je relève brusquement le regard vers mon père, le visage figé.

— Je vous demande pardon ?

— Louis est vivant.

— Vous correspondez avec lui ? balbutié-je.

— Le duc de Wellington a entretenu une certaine correspondance avec ce garçon. C'est lui qui lui a trouvé un travail en France.

J'ai malheureusement peur de comprendre.

— Vous l'avez tenu éloigné de moi...

— Tu sais bien pourquoi je devais le faire.

Après minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant