Chapitre 1

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Il était une galaxie, une galaxie qui comme toutes les autres participait au grand ballet de l'Univers. Les races intelligentes qui peuplaient l'espace la connaissaient sous le nom de Kasterborus. Il y avait de nombreux systèmes dans la galaxie de Kasterborus, mais peu d'entre eux étaient habités - et encore moins abritaient des entités conscientes et capables d'un raisonnement construit. Une espèce, pourtant, brillait par sa civilisation, son savoir et son immense héritage - une Histoire de plus d'un milliard d'années. Ses membres ressemblaient à s'y méprendre à des représentants de l'espèce humaine, ce qui pouvait prêter à confusion à première vue, mais en faisant attention, on se rendait rapidement compte que ces personnes possédaient un savoir exceptionnel, un système cardiaque double, et un air hautain typique des Seigneurs du Temps.

Les Seigneurs du Temps avaient également développé la capacité de régénérer leur corps sous une nouvelle forme en cas de blessure mortelle. Ils possédaient en outre une technologie de pointe en matière de voyage dans le Temps, car toute leur civilisation avait été construite autour d'une brèche dans l'espace-temps qui se trouvait à un point de leur planète, et que leurs ancêtres avaient dû apprendre à limiter et maîtriser. Ils avaient donné à cette brèche le nom de Schisme Irascible en raison de son caractère indomptable.

La planète en elle-même était assez insignifiante si l'on se basait sur son aspect extérieur, tout en déserts, volcans et montagnes escarpées. Elle tournait autour d'une étoile jaune et d'une naine rouge, et depuis la surface vous pouviez voir les deux soleils orbiter l'un autour de l'autre en un cycle de 27 jours. Si vous aviez de bonnes lunettes de protection, bien sûr. Des lunettes qui vous protégeraient de l'éclat orangé que projetaient les astres jumeaux sur les étendues désertiques de Gallifrey.

Cependant, tout n'était pas que désert sur Gallifrey ; les Seigneurs du Temps arrivaient à faire pousser des cultures à un endroit choisi pour la faiblesse de son champ temporel, en accélérant ou en ralentissant le temps dans les champs désignés afin d'optimiser la production. Non loin de cet endroit coulait une rivière argentée, sur laquelle se reflétaient les deux soleils. Il avait été démontré que l'eau en elle-même n'était pas argentée, mais que les minuscules algues qu'elle contenait lui donnaient cette couleur, ce que les enfants des Seigneurs du Temps refusaient souvent d'admettre ; mais ils comprenaient en grandissant que ces algues étaient argentées au même titre que les feuilles des arbres luxuriants qui bordaient les champs et la rivière, et de ceux, plus rachitiques, qui parsemaient le désert. Tout était donc parfaitement normal.

Autour de la rivière et là où les Seigneurs du temps ne faisaient rien pousser, une herbe d'un rouge profond ne tardait pas à prendre racine. La nature, même sur Gallifrey, a horreur du vide.
Les Seigneurs du Temps avaient bâti une citadelle à un endroit stratégique des montagnes, mais à une distance raisonnable des champs cultivés – raisonnable pour des gens qui maîtrisaient le voyage instantané. La citadelle pouvait abriter plus d'un milliard de personnes, et était protégée par un dôme de verre immense. D'autres cités, similaires, avaient été construites de part et d'autre de la planète, mais la citadelle était le siège du Conseil des Seigneurs du Temps, le centre névralgique de leur pouvoir, et c'était là que les jeunes Seigneurs du Temps les plus prometteurs étaient envoyés dans le but d'apprendre à piloter une Machine à Voyager dans le Temps.

- Attends, Docteur, on est allés trop loin ! Cria un jeune garçon à son compagnon de jeu, qui courait devant lui dans les champs de Gallifrey.

Il était inquiet, car les soleils allaient bientôt se coucher, et qu'ils n'auraient jamais le temps de rentrer à la citadelle à pied avant la nuit. Le fait qu'ils n'auraient jamais dû en sortir dans un premier temps n'était qu'un problème secondaire dans son esprit.

- Le dernier arrivé est une fille ! Cours !! lui répondit l'autre garçon, tournant la tête un instant pour lui faire face.

Il était un peu plus âgé que lui et la lumière orangée des soleils se reflétait dans ses cheveux d'un blond pâle.

- Mais, arrivé où ?! Interrogea-t-il.

Pour toute réponse, le garçon blond accéléra encore le rythme.

Le garçon plus jeune sourit malgré lui, et fit de son mieux pour suivre son ami. Les épis des cultures fouettaient ses jambes et il faisait de son mieux pour ne pas trébucher dans les sillons. Malgré tout, il était heureux ; car une aventure avec celui qui demandait à ce qu'on l'appelle le Docteur en valait toujours la peine.

Ils finirent par arriver à un arbre qui n'avait rien de particulier, et le Docteur le frappa du plat de la main, en disant :

- Gagné ! T'es une fille !

- C'est pas juste, protesta le petit garçon, entre deux goulées d'air ; je savais pas où on allait.
Mais son ami ne lui prêtait déjà plus attention : il fouillait à présent dans une cavité de l'arbre.

- C'est toi la fille, d'abord, marmonna le petit pour la forme, avant de s'adosser à l'arbre pour reprendre son souffle.

- Regarde, dit le garçon plus âgé après un instant.

- Huh ? Fit son camarade en tournant la tête.

Le petit ne voyait dans la paume qu'on lui tendait qu'une poignée de feuilles mortes qui perdaient leur éclat argenté sous forme de paillettes qui s'envolaient avec la brise. Puis une feuille bougea, et il étouffa un cri.

- Je l'ai pris à la fin du cours la semaine dernière, se vanta le garçon plus âgé.

- Mais, mais... bafouilla le petit. C'est au professeur d'Histoire Relative !

- Et alors ? Je lui rendrai. Un jour ou l'autre. Aucune importance si le temps est aussi relatif qu'on nous le dit.

L'émerveillement prenait peu à peu la place du doute dans l'esprit du jeune garçon. Son ami était formidable, vraiment. Il avait réussi à subtiliser le sonique du professeur à son nez et à sa barbe.

- Essaie-le ! Réclama le petit.

Avec un sourire de triomphe, le Docteur brandit le sonique et, ne sachant trop où le pointer, cacha un instant d'hésitation en utilisant le sonique sur l'arbre.

Il y eut un bruit de vrille, et rien ne se passa.

- Ben ? Il est cassé ? Demanda le petit.

Le Docteur eut l'air mal à l'aise. Voler le sonique d'un prof était une chose, le lui rendre cassé en était une autre. Il ne pensait pas encore avoir un niveau de savoir technique suffisant pour réparer un sonique. Voyant que son camarade percevait son malaise, il pointa le sonique en direction d'une fleur en bouton, et appuya de nouveau au hasard sur les touches.

La fleur s'ouvrit immédiatement.

- Ça marche ! s'écrièrent-ils avec soulagement.

Ils furent interrompus par le bruit que fit la fleur en prenant feu subitement, et le Docteur laissa échapper un rire nerveux.

- Je l'ai fait exprès, bien sûr, dit-il tandis que les cendres de la fleur tombaient au sol.

- Bien sûr, répondit son camarade d'une voix blanche, en écho.

En fait, le petit garçon se moquait bien de savoir s'il l'avait fait exprès ou non. Le pouvoir que conférait le sonique sur les choses était inimaginable.

Alors qu'il arrivait à la conclusion que ce pouvoir serait bien mieux utilisé entre ses mains, son aîné rangea prestement le sonique dans le tronc d'arbre, bien caché sous les feuilles.

- Notre secret, d'accord ? Fit-il.

- Oui, promit le plus jeune.

- Et maintenant, on rentre ! Prêt à ne pas te faire attraper par les surveillants ?!

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