- Tout le monde, écartez-vous, dit le Seigneur Président d'un ton sans réplique.
Tout le monde s'exécuta, sauf le Maître, qui sortit de sa poche un appareil un peu plus impressionnant que le sonique, mais qui n'était visiblement qu'un prototype.
Le Docteur fut pris par surprise ; il croyait l'avoir désarmé en lui prenant le tournevis. Mais le tournevis sonique n'était pas une arme, comme il s'en rendit compte plus tard.
- Puis-je ? Demanda le Maître poliment.
Le Seigneur Président lui fit signe de procéder, et le Maître envoya une décharge de son appareil dans le corps en régénération du Professeur.
- Au mieux ça la tuera, au pire elle perdra une ou deux régénérations, expliqua-t il nonchalamment.
Le halo doré autour du Professeur s'éteignit, et un instant le Docteur crut qu'elle était morte. Mais bientôt le halo revint, plus faible.
- Ah ? Fit le Maître, intéressé par son expérience.
Le Docteur eut juste le temps de s'éloigner encore de quelques mètres à reculons avant que l'explosion d'énergie vitale pure ne dévaste les alentours proches du Professeur. Lorsque la lumière s'éteignit, il y avait à terre une vieille femme recroquevillée qui ne ressemblait plus en rien à la femme jeune et alerte qu'il avait connue. Elle était encore inconsciente.
- Bien, fit le Seigneur Président comme si rien ne s'était passé. Revenons à vous. Je dois prendre des mesures, comme je suis sûr que vous le comprendrez.
Abasourdi, le Docteur ne put rien répondre, et se contenta de le regarder avec des yeux ronds. Tout cela n'était pas possible. Ce genre de chose n'arrivait pas.
- Tout d'abord, dit le Seigneur Président d'un ton sentencieux, vous ne serez jamais pilote.Vous pourrez continuer vos études à l'Académie, mais pas en vue de devenir pilote. Étudiez ce que vous voulez, cela n'a pas d'importance ; car le Docteur de la prophétie pilote une Machine. Nous ne laisserons pas cela arriver. Vous êtes à partir de maintenant confiné sur Gallifrey ; vous n'en partirez pas de votre vie. Sachez que nous garderons un œil sur vous. Le Maître, quant à lui, a prouvé qu'il pouvait nous être d'une grande aide. Nous pensons qu'il pourrait devenir pilote dès à présent, étant donné les capacités qu'il a démontrées l'autre jour en salle de simulation. Nous en rediscuterons plus tard, si vous le voulez bien. Il sera un grand Seigneur du Temps, oui. Et en ce qui vous concerne, jeune fille... Nous ne voudrions pas que vous aidiez le Docteur dans ses plans maléfiques. Vous n'aurez donc pas le droit de piloter une Machine, vous non plus. J'ai dit.
Il se détourna des trois enfants comme s'il venait d'exécuter une tâche pénible mais qui devait être faite, et agita une main vers la vieille femme au sol.
- Emmenez-la, discrètement, ordonna-t il à ses sbires.
- Non, souffla Sam si bas que personne ne l'entendit, sauf le Docteur.
- Non, murmura le Docteur en écho.
Le Seigneur Président tourna la tête et le fixa, le défiant du regard de répéter ce qu'il venait de dire.
- Non, dit le Docteur un peu plus fort. Vous n'avez pas le droit de traiter le Professeur ainsi. C'est une personne, pas un de vos pions. Alors vous allez la ramener chez elle et lui accorder tous les soins dont elle aura besoin pendant sa convalescence.
- Et en quel honneur ? demanda le Seigneur Président, offusqué.
- En l'honneur, Seigneur Président, que vous venez de me condamner arbitrairement, ainsi que cette jeune Dame du Temps, à une vie de restrictions sur Gallifrey, sans motif tangible, alors que vous connaissez pertinemment mes capacités, et que vous savez également que l'autre partie de la prophétie prédit que je sauverai des mondes, et que c'est pour sauver le reste de l'Univers que je risque de détruire Gallifrey. En admettant que vous empêchiez cette prophétie de se réaliser, ce sont tous ces autres mondes que vous condamnez dans l'espoir de sauver le vôtre, et vous mettez peut-être même l'Univers entier en danger. Par ailleurs, je sais que vous agissez en cela sans l'appui du Conseil ; vous ne seriez pas là en train de comploter dans l'ombre des simulateurs si le Conseil vous supportait. Aucune de vos décisions ce soir n'est valide sans l'appui du Conseil. Et pourtant, Seigneur Président, je vous obéirai. Je vous obéirai, non pas pour vous, mais par ce que je ne veux pas être cet homme de la prophétie, celui qui détruira Gallifrey. Cette planète est ma maison, c'est tout ce que je connais. Et elle est magnifique. Les deux soleils, lorsqu'ils se lèvent le matin, font littéralement chanter les montagnes ; l'herbe rouge ondule sous le vent chaud du désert, et les feuilles argentées des arbres, uniques dans cette partie du Cosmos, scintillent doucement sous les étoiles. Oui, je resterai ici. Et je ne dirai rien de vos complots. En échange de cette promesse, dont vous savez qu'elle me serait si facile de la briser, je souhaite que vous preniez soin du Professeur ; j'aimerais également que vous soyez clément avec Sam, mon amie ici présente. Elle n'a rien à voir avec tout cela. Et si un jour malgré tout je suis l'instrument de la perte de Gallifrey, sachez que je ne m'en remettrai jamais ; et cela sera ma punition.
- Vous ne vous en sortirez pas toujours avec de beaux discours, fit le Seigneur Président durement. Mais, soit. Nous guérirons le Professeur, et je prendrai des mesures en ce qui concerne la jeune fille. Et maintenant... Il est temps de mettre un terme à cette séance nocturne. Retournez à vos dortoirs respectifs, je vous ferai appeler dans la matinée pour les détails.
Les hommes de main du Seigneur Président emmenèrent le Professeur avec précaution, et tout le monde sortit. Rassilon profita de ce moment pour glisser au Docteur :
- Si tu m'avais rejoint, j'aurais pu empêcher tout cela. Qui est un vantard vaniteux, maintenant ?
Puis il s'esquiva.Les regards du Docteur et du Maître ne se croisèrent pas ; ce dernier retourna directement au dortoir, tandis que le Docteur restait pour dire au revoir à Sam.
- Je suis désolé de t'avoir entraînée là-dedans, dit-il.
- Ce n'est rien, mentit-elle en voyant la profonde tristesse dans ses yeux.
- J'ai ruiné ton avenir, insista le Docteur. Tu aurais dû être pilote... Voir l'Univers.
- Il a dit qu'il réviserait sa sentence.
- Ça m'étonnerait, grommela le Docteur. Il va se rendre compte d'ici demain qu'il a été manipulé par un enfant de onze ans, et va rester sur sa position. Pourtant, j'espère qu'il va tenir parole, pour le Professeur.
- Oui ; C'était très brave ce que tu viens de faire.
Elle lui tendit la main, et il la prit. Il était clair que le moral du Docteur était au plus bas. Elle lui sourit.
- Quant à voir l'Univers, ajouta-t elle... Rien n'est perdu. Un jour, nous irons sur Terre ensemble, d'accord ?
Il releva la tête, les larmes aux yeux. Il ne savait à nouveau plus quoi dire, ce qui ne lui arrivait quasiment jamais.
- Dis juste que tu es d'accord, dit-elle en lui tendant son exemplaire d'Orgueil et Préjugés. Tiens, il m'appartient, en fait. Garde le jusqu'à ce que nous nous revoyions. J'espère que ce sera bientôt.
Il lui serra la main ; les mots ne venaient pas.
- Au revoir, dit il finalement.
- Au revoir, répondit-elle.
Ils se séparèrent, et le Docteur pensa à la façon dont elle suivit, en même temps que lui, un chemin exactement symétrique au sien pour retourner à son dortoir.
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Gallifrey
Science FictionGAGNANT DES WATTYS 2019 - FANFICTION Gallifrey - notre enfance, notre foyer... Il y a très, très longtemps, quelque part dans la galaxie de Kasterborus. Deux enfants courent dans un champ. Les feuilles argentées des arbres scintillent dans la brise...