Gallifrey

Chapitre 3

- Tiens, tu as réussi à comprendre l'horaire ? s'étonna le Docteur en voyant son jeune ami arriver à l'heure pour leur cours d'Histoire Relative du lendemain.

- Facile, dit le petit garçon qui était pourtant assez fier de lui ; Il suffisait de voir que le troisième arc tombait exactement sur le point 0,32N, ce qui signifiait clairement que la ligne temporelle à suivre était la numéro 96. Le cours a donc lieu en salle 3 à huit heures.

Le Docteur récompensa ce raisonnement d'un sourire. Son jeune ami comprenait très rapidement tous les concepts de base du voyage dans le temps, tout comme lui-même trois ans plus tôt. Il respectait l'esprit clair et puissant qu'il devinait dans cette petite tête coiffée d'une coupe au bol, mais il percevait parfois un côté méthodique de la personnalité du jeune Seigneur du Temps qui le mettait assez mal à l'aise.

Finalement, le professeur fit son apparition, et les élèves se tinrent debout près de leur pupitre en silence. Ils étaient environ une quinzaine dans la classe ; les classes étaient unisexes, et tous les jeunes Gallifreyens présents avaient entre six et quinze ans. Seuls les meilleurs pouvaient suivre des études de pilote, et il s'agissait de cette classe-là. Les élèves affichaient un air sérieux dans leurs uniformes rouge et or. Le professeur, un vieil homme même selon les critères Gallifreyens, les toisa un instant, et finit par les saluer :

- Messieurs.

- Bonjour, Professeur, dirent les jeunes Seigneurs du Temps.

- Je n'irai pas par quatre chemins. J'ai de solides raisons de penser que l'un de vous a subtilisé mon appareil sonique. Qu'il se dénonce.

Le professeur gardait un flegme à toute épreuve, et avait prononcé ces mots avec la fermeté et l'assurance de celui qui sait qu'il sera obéi immédiatement.

Les Seigneurs du Temps retenaient leur souffle, et le jeune ami du Docteur en particulier était partagé entre un grand intérêt pour ce qui allait se passer et une certaine inquiétude pour son aîné. Il risqua un œil dans sa direction. Le Docteur semblait se retenir de sourire, ce qui laissa le petit garçon perplexe.

- Eh bien ? Demanda à nouveau le professeur. Si jamais vous me réduisiez à le trouver par moi-même, celui qui serait pris sur le fait se trouverait alors en une posture guère enviable. Qu'il se dénonce immédiatement et la sentence sera plus légère. Nous avons tous notre temps, j'ai placé la salle sous boucle temporelle. Cela signifie également, comme je suis sûr que vous le savez, que quiconque tenterait de s'échapper maintenant en sortant dans le couloir risquerait de sauter directement dans le vortex temporel, ajouta-t il sur le ton de la conversation. Aucun de nous ne voudrait cela, j'en suis certain.

Après un instant de silence, le Docteur leva la main. Son jeune compagnon se retint de crier, car il crut qu'il allait se dénoncer ; cela serait si décevant de sa part !

Mais le Docteur se contenta de dire, une expression consternée sur le visage :

- Êtes vous réellement certain qu'on vous a volé votre appareil, Professeur ? Ne l'auriez vous pas égaré ?

- Il est intéressant que ce soit vous qui disiez cela, monsieur. Vous ne me croirez jamais, mais je discutais justement de votre cas avec mon collègue le Professeur de Sciences et Espèces de l'Espace il y a deux jours relatifs. Vous êtes paradoxalement le meilleur élève de votre classe et le plus insupportable. Il serait contraire à notre éthique que de vous accuser sans preuve, mais je ne serais pas étonné que vous soyez mon coupable. Dénoncez vous et je serai clément. Relativement.

- Je persiste à croire que vous l'avez simplement perdu, répéta le Docteur imperturbablement.
- Bien. Je n'ai donc d'autre choix que d'utiliser cet autre appareil sonique pour découvrir qui possède actuellement le mien.
Il sortit un objet allongé de sa sacoche. Ce n'était pas le même modèle que le sonique du Professeur, il s'agissait plutôt d'un genre de cylindre fin.
- Qu'est ce que c'est ? Demanda un élève à mi-voix au fond de la salle.
- Un tournevis sonique, répondit le Professeur, faisant exceptionnellement fi du fait que personne n'avait donné la parole à cet élève. C'est un modèle relativement rare d'appareil sonique, continua t-il sur un ton didactique, assez pratique et maniable. Le seul problème c'est qu'il faut le recharger souvent. Il n'a que peu de puissance, à cause de la forme allongée. Et maintenant...
Il fit un réglage sur l'appareil, et le pointa vers le haut.
- Voyons, marmonna-t il en fixant le Docteur droit dans les yeux.
Ce dernier ne cilla pas. Et encore moins lorsque le deuxième sonique répondit au signal en sonnant dans la sacoche du Professeur. Un éclair de rage passa dans le regard du Professeur, mais il se contint rapidement.
- Bien, se rattrapa-t il adroitement. Il s'agissait de tester vos nerfs. Certains d'entre vous en ont de plus forts que d'autres, fit il en jetant un coup d'œil au Docteur. Il est très important d'avoir des nerfs solides quand on veut être pilote. A présent, je vais faire sortir la salle de la boucle temporelle et nous pourrons véritablement commencer le cours.
Le jeune ami du Docteur lui jeta un regard émerveillé. Il l'avait pourtant vu remettre le sonique dans le tronc! Comment?! Quel génie! Quelle adresse! Quel manipulateur!
Le Docteur lui adressa un clin d'œil à peine perceptible.
Dès que la boucle temporelle fut désactivée, on frappa à la porte.