Chapitre 12

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Tout en réfléchissant, il se rendit compte qu'il avait automatiquement pris le chemin du dortoir. Mais ce n'était pas une bonne idée. Définitivement pas. Il obliqua donc au niveau des salles d'études, et se rendit dans la bibliothèque, où il était certain de trouver une cachette pour réfléchir à la stratégie à adopter ensuite.

Un dôme de verre surmontait la bibliothèque, de sorte que la clarté de la nuit lui permettait de voir où il allait. Il avança doucement le long des étagères pleines de livres. De temps en temps, il caressait la tranche d'un volume qu'il reconnaissait. Ici aussi, tout était organisé de façon totalement opposée à la bibliothèque qu'il connaissait, de sorte qu'il savait exactement où était chaque chose. Il avait l'impression étrange d'être passé dans un monde parallèle.

Il se rendit à son coin préféré de la bibliothèque, ou du moins à sa réplique ; il s'agissait d'un recoin avec un fauteuil rembourré, d'où l'on pouvait observer à travers les étagères sans être vu. Il se hâta et retrouva facilement cet endroit chéri, mais fut extrêmement surpris de le voir occupé.

Dans le fauteuil usé, il reconnut la forme d'une personne qui avait dû s'endormir sur un livre. La tête de cette personne reposait sur l'accoudoir du fauteuil, et le reste de son corps était recroquevillé sous un pled à carreaux, pour autant qu'il pouvait en juger. Le livre était tombé à terre. Il se pencha pour essayer de déchiffrer le titre dans l'obscurité.

« Pride and Prejudice », murmura-t il. Un livre Terrien, en Anglais. Il avait appris l'Anglais, des bases en cours de langues des espèces de l'Univers, et s'était perfectionné ensuite dans son temps libre. Il avait jugé la langue très intéressante, et pourtant si éloignée du Gallifreyen, malgré certains sons qu'il trouvait similaires. Il étendit le bras pour prendre le livre, se redressa, et commença à le feuilleter. Ici et là, certains mots avaient été traduits en Gallifreyen au crayon dans la marge. Des gravures illustraient les passages importants du livre. Il sourit en voyant les costumes étranges que portaient les terriens.

Puis il reposa le livre là où il l'avait trouvé, et se redressa, fasciné par tout cela - et d'autant plus fasciné qu'il avait compris que ce qu'il avait devant lui était une fille. Il savait qu'il aurait dû partir. La fille risquait à tout moment de se réveiller et de le faire repérer. Il fallait qu'il retrouve le Professeur des Machines rapidement. Mais il ne pouvait pas s'arracher au spectacle de cet être si proche et si différent de lui-même, assoupi dans ce qui aurait pu être son fauteuil préféré.
Soudain, la fille ouvrit les yeux, et ils sursautèrent tous deux en même temps. Ils eurent toutefois le bon sens de ne pas crier. En quelques secondes, la fille fut debout, serrant sa couverture contre elle.

- Je fais rien de mal ! Bafouilla-t elle, encore endormie. Je suis juste venue... Lire...

Comme preuve, elle se pencha et brandit son exemplaire d'Orgueil et Préjugés. Puis elle se rendit compte de qui était en face d'elle.

- Mais... Tu es un garçon ! Qu'est ce que tu fais là ? s'indigna-t elle tout en se drapant dans sa couverture comme si elle allait la protéger contre les projets forcément infâmes de son interlocuteur. Qui es tu ?

Le Docteur était très déconcerté. Il voulait à la fois rassurer la fille en face de lui et essayer de trouver une raison valable pour sa présence ici. Il voulait lui dire qu'elle ne devait pas faire de bruit, de peur qu'on les entende, et quelque part en lui naissait la volonté de l'impressionner par son audace. Il voulait exprimer son état de confusion et lui dire qu'il était désolé de l'avoir réveillée. Il voulait lui dire que c'était son endroit préféré, et que lui aussi s'intéressait à la culture terrestre. Il voulait fuir, mais il voulait rester. Il voulait lui mentir, et il voulait lui dire la vérité.

Il lui dit son nom.

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