Ce soir, nous avons englouti nos dernières fanes de carotte. Cette fois, il ne reste vraiment plus rien, le puits est vide et nous demeurons condamnées à un envol imminent. Ma faim est si grande, si intense et ma gorge si sèche que je la sens chaque instant me quitter un peu plus. Oui, ma fille et moi sommes condamnées à mourir, ici, toutes seules. Nous n'aurions même pas eu l'occasion de découvrir le monde, de laisser en France notre maison, notre vallée, notre Ardèche pour explorer nouvelles terres et lointaines contrées. La joie est apparue, il y a fort, fort longtemps, doucement s'est approchée et nous l'avons laissée passer, emportée par ces démons venus du ciel. Comme je le regrette ! Moi qui rêvait de Tahiti, d'Attacama ou encore du Caire... Elle, elle songeait sans cesse à Disneyland, elle voulait que je l'y emmène et demandais à chaque Noël, au bon vieillard, un billet de train pour aller voir Mickey, et Dumbo, et Winnie, tous les gentils héros qui ont bercé son bonheur, son enfance. Enfin... À quoi bon penser à ces choses, à ces fantasmes venus tout droit comme d'un autre monde, puisque nous semblons pour toujours enfermées entre la mort et le trépas ? Non, je n'abandonne pas tout espoir, je ne suis pas devenue la pauvre femme pessimiste qui hante mes cauchemars, j'ai juste cessé de croire aux illusions, de penser que tout est rose, que tout est brillant afin d'affronter l'inévitable présent. Je l'affronte, même s'il fait mal car oui, il me blesse et j'en souffre, ma petite aussi et il est clair que maintenant, je n'ai plus guère le choix. Mes larmes roulent sur mon visage, dégoulinent sur ces pages, tandis que je fourre précipitamment dans mon sac le peu que je possède encore : deux pulls bleus, sales et troués et une photographie, celle qui m'a toujours accompagnée et que je ne peux oublier. Un portrait, c'est tout ce qu'il me reste de lui et je ne me résoudrai pas à l'abandonner aussi, un poids de trop sur mes épaules mais tant pis. Demain nous partirons, très loin de lui et de la maison. À l'aube du jour suivant nous nous enfuirons, nous nous sauverons.
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Alien : Invasion
Science FictionLe monde est en lambeaux, ils sont venus, nous ont vus et vaincus. L'espoir n'est maintenant plus que cendres d'un feu qui fut joyeux. Quel monde laisserai-je à mon enfant, ma fille, si jeune et innocente ? Connaîtra t'elle, un jour ce qui m'est ref...