Alien : Invasion

18 juin 2100

Ces bosses qui pointaient sous sa chemise, ces collines inquiétantes qui remuaient et qui perçaient  en son chant étaient-elles les longues plumes de l'ange que je me plaisais tant à affronter ? Elles grandissaient vite, elles s'excitaient, rompaient sa peau délicate, déchiraient sa vie en lambeaux. Non, il n'y avait ici aucune trace des douces ailes du séraphin dévoilées aux mortels que nous demeurons. Ces montagnes, ces aiguilles et ces pics... Des griffes, voilà ce que c'était ! Et cette voix, cette mélodie que je désirais harmonie, un cri, une plainte, rauque. Sans doute aurais-je dû l'arrêter, abréger ses souffrances, de mon devoir de mère, d'amie, de rêveuse, d'utopiste et d'espérante. Seulement, je suis faible, je suis lâche et j'avais peur. Peur de cette mort qui naissait là, juste devant mes yeux horrifiés ; peur de cette bête, de ce monstre, de ce fléau de minuit qui ravageait ses entrailles, écartait ses os, sa chair et défigurait son joli torse. Ma fille criait quand, une fois de plus, sa prudente jeunesse remportait la raison. Oh, comme je m'en suis voulue d'être restée immobile à ce moment, d'en avoir laissé un vivre et l'autre périr, le mauvais ! Oh, comme je m'en veux toujours de l'avoir contrainte à y assister, à dévisager cet homme-là, cet inconnu noyé d'un sang impur et acide, sans même songer à lui couvrir ses rayons de feuilles d'octobre ! Elle apparaissait si menue, la créature, car c'est ainsi qu'elles arrivent, qu'elles habitent et qu'elles volent. Et elle l'avait tué et détruit, elle voyait le jour dans son flot écarlate, encore innocente mais tellement dangereuse... Je n'ai pu la rattraper tant tout mon pouls semblait, subitement, laisser la ligne plate et sifflante défiler. Elle courait trop vite, trop fort et trop dur dans les viscères exhibés de la victime, de ma victime ; et elle est partie, comme on quitte une fête, une soirée, sans souci du désordre et Philippe, avec elle.