CHAPITRE DEUX

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A X E L

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A X E L

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Servir des cafés aux parisiens matinaux n'est pas si désagréable. C'est vrai, certains sont à fleur de peau parce qu'ils n'ont pas encore eu leur dose de caféine mais la plupart sont de bonne humeur. Et puis il y a pire comme job étudiant. Je travaille au chaud, j'inhale des senteurs agréables et je discute avec les gens.

Mais ce que je préfère, c'est voir leurs sourires quand leur commande arrive. Travailler dans un café, on ne dirait pas, mais c'est un métier qui donne du baume au cœur. C'est très bon contre la déprime et ça entretient les muscles des joues à force de sourire.

8H02. La porte s'ouvre et la fille entre. Je n'ai même pas besoin de vérifier que c'est elle car il n'y a qu'elle pour rentrer dans quelqu'un qui fait le double de sa taille et se noyer dans ses excuses. Maladroite, un peu tête en l'air et habitante de la lune. Oui, c'est elle.

Entre l'enregistrement de deux cafés, j'ose lui adresser un coup d'oeil furtif.

Si je ne l'avais pas aperçue sur son vélo bleu avant aujourd'hui, je n'aurais eu aucun mal à me rendre compte qu'elle a fait de l'exercice physique. Le vent a dérangé son carré soigneusement coupé par ses mains minutieuses d'artiste, à tel point que les mèches sauvages de sa frange volent autour de son visage enfantin. Mais ce sont ses yeux qui retiennent mon attention. Elle a des yeux allongés de la couleur de l'automne, brillants de vie, au fond desquels on peut lire tous les rêves qui peuplent ses nuits et ses jours.

Elle a l'air heureuse avec son carnet entre les doigts, ses yeux vifs fixés sur le papier et ses joues comme rosies par la chaleur d'une boisson chaude en plein hiver.

Je dois attendre que la file diminue pour pouvoir apercevoir les taches rousseur qui parsèment son nez. C'est drôle parce qu'elles sont très claires, quasi-invisibles, mais sur sa peau aussi pâle qu'une toile encore vierge, elles tranchent particulièrement. Si je tendais la main pour les effleurer, j'aurais peur d'effacer ses éphélides. Pourtant, comme de vieux éclats de peinture séchés, elles sont incrustées sur sa peau.

Je devrais probablement lui demander ce que je lui sers avant que les clients ne s'impatientent dans la file. Mais je ne le fais pas. Je préfère la dévisager, amusé de voir une personne aussi absorbée par ce qu'elle fait, aussi passionnée par ses coups de crayons, aussi enthousiaste de coucher ce qu'elle a dans la tête. A cette heure, tout le monde ne souhaite qu'une chose : rentrer chez soi, se coucher sous ses couettes et ne rien faire. Mais elle non, on dirait que sortir est son échappatoire, sa bénédiction, sa raison de vivre.

La fille finit cependant par relever la tête quand un client se racle la gorge. Hésitante, elle balaie le comptoir devant elle des yeux, comme perdue.

— Je... Je m'excuse. Je... J'étais..., bégaie-t-elle, mal à l'aise de s'être laissée emporter dans un monde qui n'appartient qu'à elle.

— En train de dessiner, oui, je souris. J'ai vu ça, c'est très beau.

LE CHEF-D'OEUVRE DES ÂMES ABÎMÉESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant