CHAPITRE NEUF

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V I O L E T

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V I O L E T

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 J'aime tous les jours de la semaine, mais j'apprécie tout particulièrement le vendredi. En fin de journée, les rues de Paris ne sont pas encore surpeuplées mais quelques personnes se promènent, ce qui donne vie aux quais.

Il n'est pas rare que je parte marcher le long de quais entourant la Seine. Surtout après une journée de cours. C'est apaisant d'entendre les mouvements de l'eau, les conversations lointaines des gens en terrasse, les cris des enfants sortis de l'école.

Le vendredi, c'est le jour où je fais des réserves d'inspiration pour le week-end. J'observe les autres et je me sens observée. Je note mentalement les sentiments que leurs regards me procurent.

Comme quand j'étais petite, je m'applique à marcher au milieu des dalles, prenant garde à ne pas marcher sur les traits de ciment. C'est un peu un jeu silencieux que je joue contre moi-même et contre le sol : je ne toucherai pas les bords des pavés car si par mégarde je romps l'alignement de mes pieds, je mourrais. Bon, ce ne sera pas une mort véritable, mais quand même, ça compte.

Mes petits pieds me facilitent le travail, ce qui n'est pas le cas des autres passants. Un homme ne se préoccupe pas des dalles et marche dessus n'importe comment. Je grimace en pensant au nombre de vies qu'il vient de perdre. Il ne joue pas à mon jeu et ça me rend triste.

— Zut !

J'ai fixé le monsieur une seconde de trop car mes pieds se sont emmêlés et j'ai dépassé la dalle. Je suis morte à cause de mon inattention. Tant pis, je recommencerai la prochaine fois.

Du regard, je balaie les alentours. J'ai bien avancé pendant mon jeu et je ne m'en rends compte qu'en relevant la tête. Les commerces se rapprochent et mon vélo doit être deux rues plus loin, à moins de dix minutes de marche. Je devrais me rapprocher de la chaussée pour éviter les pavés et ne pas risquer une mort par inadvertance.

C'est alors que je le vois au loin.

Il est assis à une terrasse de café, le nez dans un livre. Il a l'air concentré. Je me demande ce qu'il lit, aussi happé par ses pages. J'aimerais lire plus, mais je n'ai pas assez de concentration pour ça. Au bout de quelques pages, les mots se mélangent devant mes yeux, mon cerveau s'évade et je perds le fil de l'histoire. Peut-être qu'il pourra m'aider.

Mais pas aujourd'hui car il ne m'a pas vue.

Je souris en me disant que pour une fois c'est moi qui l'observe sans qu'il le sache.

Juste à ce moment, il lâche son livre et d'instinct, je me baisse en plein milieu du trottoir. Heureusement, c'est une fausse alerte. Il se contente de remonter les manches de son tee-shirt.

Au début, je crois qu'il a un autre tee-shirt en dessous mais en regardant plus attentivement, je me rends compte que ce n'est pas du tissu mais de l'encre noire. Des tatouages. Il a des tatouages sur les bras. Il les dissimule avec un tel soin que je ne les avais pas remarqués avant.

LE CHEF-D'OEUVRE DES ÂMES ABÎMÉESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant