9- Agréable souffrance

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(1)

J'ouvris les yeux et les refermaient aussitôt. Je sentis l'eau sur mes paupières et je brassai des bras pour ne pas couler. Je me forçais à regarder autour de moi et aperçus une jeune fille brune dans la même position que la mienne. Elle se tenait le nez bouché d'une main et battait de l'autre pour tenir dans l'eau. Je levai ensuite la tête mais ne réussis pas à voir la surface.

Devant renouveler sa respiration, la jeune fille prit instinctivement une grande inspiration. C'est alors que je sentis l'eau s'engouffrer dans mes poumons, j'avais l'impression d'être la fille en même temps que je la voyais. Sa tête se crispa et ses muscles, manquant d'oxygène, se rétractèrent puis, quelques secondes plus tard, je subis la même chose. Ma vue se brouilla tandis que je suffoquais en essayant de reprendre ma respiration mais en inspirant uniquement de l'eau.

Les yeux globuleux de la fillette sortirent de ses orbites, ses jambes se tétanisèrent et son regard, vide, se tourna vers moi. Mes paupières se fermèrent et sans un dernier souffle mon corps heurta le sol sableux.

« Comment tu te sens ? » me demanda la voix du directeur.

« Mmmm ... sans vie ... » répondis-je toujours couché au fond de l'océan.

(2)

J'apparus soudainement sur un sol, plus dur cette fois, qui devait être du ciment. Je regardais à l'horizon et mis à part un jeune homme assis près de moi, n'aperçus que le soleil chauffant. Je me penchai en avant et réalisai que je me trouvais sur la terrasse d'un immeuble d'une quinzaine d'étages.

Le garçon avait les yeux rouges, j'avais le sentiment de ne pas être à ma place et la désagréable sensation de ressentir les envies du garçon. Envies que je jugeais suicidaires. Il se leva, s'approcha du bord et, comme voulant de lui même quitter ce monde cruel, fit un pas de plus en avant puis commença une rapide descente dans le vide. Instinctivement je courus pour le rattraper et tombais à sa suite dans le néant. Le vent frappa mes cheveux juste avant que mon corps s'écrase sur le sol. Ma tête frappa d'un coup sec le béton de la route et une flaque de sang s'en échappa aussitôt. Entre la vie et la mort, j'aperçus le cadavre du garçon aux bras mutilés et aux doigts tordus se noyer dans un océan sanglant avant de quitter ce monde pour de bon.

« Charly ? Qu'as tu ressentis en sautant ? » continua la voix.

« Le regret ... j'ai regretter immédiatement jusqu'à heurter le sol. »

Cette sensation de douleur morte que méprenait mon corps arraché alors que je n'en faisait plus parti venait de trouver place parmi mes sensations favorites.

(3)

J'ouvris les yeux, j'étais assis sur le siège passager d'un véhicule. La route était sombre et nous roulions plutôt vite pour un ciel couchant. Je savais très bien ce qui allait m'arriver ... mais je ne bronchais pas, j'en avais comme l'habitude. Tout à coup, le conducteur actionna le frein et la voiture ralentit tandis que les pneus crissaient sur le béton. J'aperçus alors un jeune blond au long sweat-shirt traverser la rue les mains dans les poches. Je fermai les paupières en me préparant au pire.

Le choc fut brutal. Un craquement retentit puis des cris et je fus projeté à travers le par brise jusqu'à finir ma chute sur le sol terreux. Je ne sentais plus ma jambe mais préférais ne pas m'attarder sur le sujet, de toute façon, je ne pouvais plus bouger. Je cherchai le garçon du regard et le trouvais sous la roue avant gauche du véhicule, vide de sens. Il hurlait, ma gorge me brûlait et je compris encore une fois que je vivais la mort du blondinet. Soudain il tourna la tête et un filet de sang dégoulina de sa bouche à son cou, je fis de même, en observant ses yeux se remplirent eux aussi d'un sang foncé. Il déposa ses mains sur son abdomen et, en me fixant d'un regard sans vie, son corps se relâcha d'un seul coup. La douleur avait été vive, plus forte que les précédente. Mais ...

« C'était une agréable souffrance ... » murmurais-je.

« Très bien mon garçon. » répondit la voix du directeur.

(4)

Je me réveillai pour la quatrième fois en moins d'une heure. Je me trouvais cette fois ci dans une case africaine, au milieu d'une famille qui menait son quotidien. Une fillette à la peau chocolat et aux tresses couleur charbon s'approchait de moi quand, soudain, un grondement se fit entendre. J'entendis des projectiles heurter la terre en scrutant le regard de détresse que me lançait la jeune fille.

C'est alors que l'une des bombes s'abattit sur la maison qui fut projetée en milliers de débris. Je sentis la douleur monter en moi après avoir atterris sur le sol sableux d'Afrique. Je peinais à observer les alentours qui étaient parsemés de morceaux de cadavres humains mais réussis à apercevoir le corps sans vie de la fillette aux longues tresses. Son sang ruisselait sur la poussière et son visage, mutilé, me rappela soudainement le tragique passé de Riley. Une larme coula le long de ma joue tandis que la mort m'emportait, pour de bon.

Toi parmi mes DÉMONS [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant