Chapitre 14

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Le brouhaha extérieur empêcha Tara de se rendormir. Malgré le soleil levant, elle était parvenue à se reposer quelques heures, mais, en plein milieu de la journée, le village dans lequel l'auberge se trouvait était bien trop vivant. Entre le poissonnier qui hurlait à quiconque que ses truites étaient fraîches et parfumées, et les enfants qui criaient leurs joies près des écuries elle ne pouvait plus fermer l'œil.

Elle appuya l'oreiller peu fourni et dont le coton avait irrité sa peau des heures durant, sur son visage, pour hurler sa frustration, puis le lança de l'autre côté de la chambre qu'elle occupait seule. Le projectile atteint la commode, seul meuble de la pièce en ajoutant le lit et la baignoire en cuivre placé au centre de celle-ci.

Malgré l'image effrayante qu'elle s'était faite de l'endroit, la pièce était propre et ses draps sentaient bons. Elle se leva du lit et s'habilla. Elle laissa ses dagues dans son sac, mais accrocha son arc dans son dos. Elle attacha sa cape pourpre en nouant le lacet afin de dissimuler son arme, puis elle attacha son masque avant de sortir de la chambre.

Elle jeta un coup d'œil dans le couloir sombre et exigu. Voyant qu'il était vide, elle ferma la porte de la chambre dans son dos et la ferma à clefs. Elle rangea la clef dans une de ses poches puis sortit discrètement de l'auberge. Elle ne croisa personne en descendant les escaliers et elle passa le pas de la porte d'entrée sans jeter un œil dans la salle à manger.

Le soleil éclatant agressa ses pupilles habituées à l'obscurité et elle plaça sa main devant son visage le temps de s'y habituer.

Elle n'avait pas parlé avec les autres depuis son altercation avec Aurore. En revenant à l'auberge, après avoir passé un peu de temps en compagnie de son cheval, elles les avaient volontairement évités et était directement retourné se réfugier dans sa chambre.

La tête dans les nuages, elle trébucha, se retenant de justesse à l'étal du tailleur de pierre pour voir les enfants qui l'avaient sûrement réveillée se courant après avec des sceaux d'eau à la main.

Le souvenir d'Aaron la percuta avec la vigueur d'un poing dans l'estomac. Elle retint de justesse les larmes qui perlèrent à ses yeux. Elle laissa une seule goutte d'eau dévaler le long de sa joue, puis elle l'essuya du revers de la main.

Elle avait perdu son ami depuis seulement quelques heures. Elle avait assistée, impuissante, à son meurtre, et la tristesse qui la submergeai à chaque instant semblait enfermer son cœur dans un étau.

Elle ne voulait pas y penser. Elle voulait avancer, seulement avancer. Elle ne souhaitait plus perdre de temps à pleurer les morts qui s'amassaient autour d'elle et les enjamber, continuer son chemin. Être insensible.

Si elle n'avait pas fait preuve de faiblesse en acceptant de suivre ses amis dans la forêt, Aaron serait toujours en vie. Si elle avait laissé son frère l'assassiner la première fois qu'elle s'eût été trouvée sous son joug, August le serait aussi, et si, malgré cette idée plus que répugnante, elle avait accepté la demande en mariage de l'être infâme qu'était maintenant le roi, Pascal le serait tout autant.

La somme de ses mauvaises décisions était égale aux nombres des morts de ses proches. Comment ne pouvait-elle pas se sentir coupable ? Ce sentiment était le pire de tous. Elle ne savait même pas comment le gérer, vivre avec. Après tout, comment vivre avec cela lorsque les conséquences de ses actes étaient la mort des gens qu'elle aimait ?

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Tara traversa le marché pour se vider l'esprit. Elle acheta une grappe de raisin aux effluves délicieuses et dont la peau possédait une couleur brillante. Elle éplucha le fruit avant de passer les grains sucrés par le bas de son masque, pour les glisser entre ses lèvres.

Peau d'âne, il était une autre histoire : Tome 1, la princesse disparueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant