Le couple avait tourné durant de longues semaines, quelque peu perdus, dans les villages de la région. Si ils devaient confronter une dernière fois la Bête ainsi que l'homme qui était peut-être le créateur, il leur fallait des armes. Or pour en acquérir, il fallait de l'argent. Et de l'argent, ils n'en avaient plus. Ils avaient donc travaillé quelques semaines pour pouvoir enfin payer les balles et les couteaux qui – ils l'espéraient – leur seraient inutiles.
Ils arrivèrent ce matin de juin devant la maison familiale des Chastel. Jean-François hésita quelque peu avant de frapper à la porte. Sûrement sa mère le tuerait avant la Bête. Mais lorsque Anne ouvrit ce jour-là, presque trois ans après avoir vu son fils pour la dernière fois, seule la joie put s'emparer d'elle. Elle le saisit dans ses bras, l'enserrant de toutes ses forces. Dieu qu'il avait grandit ! D'au moins une tête ! Elle positionna ses mains sur ses joues, vérifiant qu'il n'avait aucune blessure apparente et soupira de soulagement lorsqu'elle n'en vit aucune. À la place, ce fut elle qu'elle vit, derrière son fils. Telle la mère en colère qu'elle était, elle poussa son fils sur le côté et asséna une gifle magistrale à la pimbêche qui n'eut pas le temps de le voir venir. Suzanne posa une main fébrile sur sa joue cuisante de douleur. Mais avant que la retenue ne l'arrête, elle gifla la bonne femme en retour. S'il avait d'abord été choqué du geste, François se reprit vite et, s'il lança un regard noir à Suzzie, il se tourna finalement vers sa mère. La jeune femme ne put pas le voir mais, à ce moment-là, son regard fut vide de toute compassion, de toute affection envers cette femme qui venait de violenter son épouse. « Tu es certes une femme et de plus, ma mère, mais si tu poses encore – ne serait-ce qu'une fois – la main sur mon épouse, tu le regretteras amèrement.
Anne blanchit dans l'instant. D'abord sous la menace, puis parce qu'elle provenait de son fils bien-aimé, et enfin parce que cette putain qui lui avait enlevé Jean-François était désormais sa belle-fille. Et cela, elle ne saurait le supporter.
- Tu l'as épousée ?! Pourquoi ?
- Pour une raison bien plus profonde que celle pour laquelle tu as épousé père, répondit-il d'un ton cruellement froid.
Tous ceux de sa famille savaient pertinemment que si Anne avait épousé Jean, c'était uniquement car on l'avait prise sur le fait avec lui et que, pour sauver son honneur, il avait accepté l'union.
- Si malgré tout je te prends à tenter de recommencer, ne compte plus me revoir. J'ai fait serment de protéger cette jeune femme et je le tiendrais quoi qu'il m'en coûte, tu m'entends ? »
Anne soupira finalement devant la résolution du jeune homme. Si d'abord Suzanne avait été énervée par l'attitude de François, elle avait vite fondu en entendant ses mots et désormais son cœur martelait contre sa poitrine. Elle lança tout de même un regard noir à la mère de son mari.
Estimant qu'ils n'étaient pas les bienvenus sous ce toit, Jean-François décida d'aller voir ailleurs. Il salua rapidement Anne et entraîna Suzanne à sa suite. Ils durent cependant aller jusqu'au village voisin de Lesbinières pour trouver une auberge qui puisse les accueillir. Mais rendus là-bas, au détour d'un chemin, Jean-François ouvrit de grands yeux surpris. « Jeanne ?
La jeune femme à la chevelure d'un brun profond se retourna vers lui et se mit à sourire.
- Jean-François ! Si cela ne faisait pas longtemps !
L'homme prit la jeune femme dans ses bras quand un toussotement peu discret se fit retentir. Suzanne avait beau être laxiste, elle avait désormais une légitimité qui lui permettait de ne pas patienter et regarder face à sa jalousie grandissante. François eut un sourire en coin satisfait de la savoir jalouse et lui présenta la brunette.
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La Bête du Gévaudan
Teen Fiction1764. Suzanne avait dix-sept ans lorsqu'elle vit revenir les hommes de son villages avec la dépouille lacérée de sa mère, disparue depuis la vieille. Éventrée, égorgée, la dépouille fut rapidement mise en terre, sans même que la jeune fille ne puiss...