12 juillet 1765

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Des mois avaient passés dans la terreur de la Bête. L'hiver avait quitté le royaume, laissant sa place au printemps. Puis l'été avait adjuré ce dernier de lui laisser prendre le relais. Ainsi le haut soleil de la saison rayonnait de partout à travers la France. Les récoltes avaient été bonnes de partout à travers le pays. De partout... ou presque. Les gens du Gévaudan, soumis aux attaques de la Bête, n'osaient plus sortir s'occuper des champs. Les récoltes avaient été médiocres. Le prix des denrées avait grimpé en flèche. Chacun tentait de survivre comme il le pouvait. Et cela n'était pas allé en s'arrangeant de ce côté-là.

Le Roi avait fini par porter une certaine attention au malheur du Gévaudan. Effectivement, il y avait été obligé par la force des choses. Les anglais, bien à l'abri sur leur île, avaient eu vent de cette histoire de Bête. Oh, ils s'en étaient vite amusés. Un journal londonien avait même publié – sûrement de part le quotidien sans goût des habitants – sur cette étrange horreur que les habitants subissaient. Il y était écrit qu'une armée de cent vingt milles hommes y avait été envoyé, se faisant défaire par le monstre. Et que ce dernier, sur le chemin du retour, s'était fait tué par une chatte dont il avait goulûment avalé les petits. C'en était assez pour le Roi, l'honneur du Royaume était en jeu. Le 22 juin avait donc été envoyé au Gévaudan François Antoine de Beauterne, dit Monsieur Antoine, arquebuse du Roi. Les gens avaient été quelque peu rassurés. Jean-François et Suzanne, aussi. Si le Roi exigeait qu'on tue cette Bête, alors elle ne ferait plus long feu. Mais très vite dans les faubourgs, on avait pu entendre la rumeur que ce dit envoyé – tout en n'en faisant pas plus que les autres – coûtait bien plus cher que ses prédécesseurs. Ainsi, la hausse des prix eut vite fait de se transformer en disette.

François et Suzzie, mis au pied du mur par ces conditions, n'avaient plus pu continuer leur vocation de vagabonds. Il leur fallait - au delà de la menace animale - un revenu stable s'ils voulaient survivre. Après avoir erré durant quelques temps à la recherche d'un travail, ils étaient tombés sur la large maison d'un vieillard de la petite bourgeoisie populaire qui avait travaillé dans l'orfèvrerie. Cet homme, appelé par les deux amis Monsieur Durand, n'était plus en état d'entretenir lui-même ses trois chevaux et son logis, tout en s'occupant de ses affaires, bien qu'ayant déjà une bonne à tout faire. Il avait ainsi engagé – à leur plus grande surprise – les deux amis. Jean-François, sous le nom de Paul, s'était fait engagé en tant que palefrenier. Tandis que Suzanne, appelée Rose-Marie, était devenue la seconde main de la bonne, Jeanne.

Les jours avaient passés, puis ils avaient fait la rencontre du fils Durand, presque âgé de la trentaine. Il avait tout de suite paru amical à Jean-François qui était ravi de voir un autre homme que le vieillard. Il fallait dire que Monsieur Durand ne sortait pas beaucoup de son bureau. Si le fils avait été plaisant à François, Suzanne l'avait vu d'une tout autre manière. Étant hautain, voire même grossier, il avait – la seconde fois où il était revenu au logis – proposé des choses indécentes à la jeune femme. Suzzie avait pu y échapper mais, terrorisée qu'il s'en prenne à François, n'avait rien osé dire à son ami qui chaque soir chantait les louanges de cette famille. Elle avait aussi songé que si leur employeur entendait des blasphèmes sur son fils de sa bouche, ils seraient renvoyés aussi secs, peut-être même qu'elle serait envoyée en prison... Suzzie était usée par la situation.

Ayant fini ses tâches de la journée – elle venait de finir de laver les ustensiles du dîner de Monsieur – Suzanne rejoignit comme à son habitude Jean-François dehors. Elle le vit qui brossait le cheval à la robe claire, s'approcha. Il la laissa venir, une idée en tête. Il avait déjà sorti les deux autres chevaux, ne lui restait que celui-là. L'homme ne possédait ni enclos ni barrières pour faire courir les chevaux sans cavaliers, ainsi François se chargeait lui-même de les monter un par un pour qu'ils éprouvent leurs muscles. Rien ne lui interdisait de prendre la jeune fille avec lui, se dit-il.

La Bête du GévaudanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant