1er février 1765

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Suzanne mit quelques minutes à complètement émerger de son sommeil forcé. Le soleil n'était pas encore tout à fait levé, par ailleurs, Suzzie ne semblait pas saisir ce qu'il s'était déroulé la veille. Désorientée, la jeune fille aperçut Jean-François assis à côté d'elle, somnolant sur son arme. Elle lui secoua le bras afin de le réveiller. François cligna des paupières de nombreuses fois avant que sa vision ne s'arrête sur sa jeune amie enfin réveillée. Mu par son instinct, il la saisit dans ses bras. Suzzie sursauta lorsque la poigne ferme de son ami se referma sur elle, loin de s'attendre à cette réaction. Lentement, elle finit par l'enserrer à son tour. Ce ne fut qu'à ce moment que la fermière se rappela des événements de la veille. Terrifiée au seul souvenir de cette soirée, elle s'agrippa un peu plus à lui. Jamais elle n'avait été aussi proche de succomber. Et lorsque François se mit à lui caresser le cuir chevelu tout en lui murmurant des paroles de réconfort, elle se rendit compte qu'elle pleurait. Sans un bruit, sans renifler, ni trembler.

Après de longues minutes passées dans ses bras, Suzzie se sépara enfin de lui, au plus grand regret de celui-ci. Il lui expliqua alors les raisons de leur départ imminent et elle ne songea pas même à discuter. Elle décida cependant de changer ses jupes et son haut avant de repartir, mettant du même temps de plus chauds vêtements. Le jeune homme, après qu'elle lui eut demandé avec de légères rougeurs, se tourna dos à l'intérieur de la cabane, gardant ainsi les alentours.

Une fois déshabillée jusqu'à ne porter que ses dessous, Suzanne remarqua les énormes hématomes laissés par le poids de la chose. À leur vue, elle grimaça. Ainsi, c'était cela qui l'avait faite souffrir lorsqu'elle s'était levée et changée. Elle revêtit le plus vite qu'elle put ses autres vêtements avant de fourrer ceux plantés d'échardes dans son baluchon. Tournée vers l'emplacement qu'occupait encore la veille la porte - désormais sur la neige - , elle ne put s'empêcher d'observer son compagnon. De dos, elle put voir sa carrure de jeune homme qui jusque là lui avait servit de refuge. Ses cheveux bruns lui arrivaient désormais au bas des épaules. Il ressemblait quelque peu à un vaillant soldat partant en campagne jusqu'à son bataillon. Lorsqu'il se retourna, sentant son regard sur lui, Suzzie ne put s'empêcher de rougir. Mais à quoi pensait-elle ? Il était son ami ! François trouva cependant le geste adorable.

S'asseyant de nouveau dans la cabane soumise depuis la veille aux courants d'air glacé, il sortit le festin qu'il avait ramené. Voyant les deux pommes sur le plancher, Suzzie crut halluciner. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait mangé de fruit qu'elle ne savait pas si elle en reconnaîtrait le goût. Elle chercha des yeux François, lui demandant avec gourmandise si elle pouvait en prendre une. Une lueur amusée dans le regard, il acquiesça tout en lui tendant la gourde, remplie à moitié de lait. La saisissant, il la laissa découvrir son contenu. Elle tenta vainement un œil à l'intérieur, sans percevoir la couleur blanche du liquide. Le sourire de Jean-François s'étira au moment où elle porta la gourde à sa bouche, surprise du goût de la boisson. De vieux souvenirs de la ferme se rappelèrent à elle. Le lait chaud qu'on vient de traire, les directives sans appel de sa mère afin qu'elle apprenne. Une vague de nostalgie l'envahit. Elle lui rendit le contenant après en avoir bu un peu, lui laissant le reste, et s'attaqua à l'une des pommes. Croquante et juteuse, la pomme – sans être véritablement mûre – ravit la jeune fille. Un dernier petit bout de pain avalé, ils décidèrent de se mettre en route.

Jean-François saisit les affaires – pourtant légères – de Suzzie pour les mettre sur son épaule, ne lui laissant rien d'autre à faire que de marcher. La jeune fermière, devant tant d'attention, ne sut quoi répondre. Elle se contenta donc de fermer la marche, lui laissant le soin de trouver un prochain abri. Elle songea que, depuis qu'elle l'avait rencontré, il ne lui était arrivé que des mauvaises choses. Cependant, elle ne parvint pas à regretter avoir frappé à la porte des Chastel. Si elle ne l'avait point fait, elle aurait certainement été dévorée par la Bête bien avant. Puis elle fixa son regard sur l'homme devant elle. Sans savoir pourquoi, elle semblait lui vouer une confiance aveugle. Après tout, il l'avait déjà sortie de maints dangers, avait toujours été à ses côtés, l'avait même réconfortée. C'était plus que n'avait jamais fait aucun homme pour elle. À cette pensée, son cœur s'emballa promptement. Elle s'exempta au calme, ne pouvant cependant y parvenir lorsqu'il tourna la tête avec inquiétude vers elle, afin de vérifier qu'elle le suivait toujours. Elle sentit doucement ses joues se réchauffer et baissa la tête en espérant qu'il ne le remarque pas.

Geste qu'il ne loupa pas. François se dit que depuis son réveil, elle semblait plus perturbée qu'à l'accoutumée. Il se fustigea, lui aussi était dans le même cas. Allez donc savoir pourquoi, ajouta-t-il pour lui-même. Un œillade discrète à la jeune fille aux cheveux blonds suffit à confirmer ces dires. Elle cherchait à éviter son regard, jouant nerveusement avec quelques boucles baladeuses. Les choses promettaient de devenir de plus en plus compliquées. Cependant, aucun d'eux ne se seraient imaginer à quel point.

La Bête du GévaudanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant